Discussion Article L335-2. Droits d'auteur.

> Entreprise > Propriété intellectuelle > Droit d’auteur

Posté le Le 02/06/2023 à 01:42
Bonjour,

L'article L335-2 a piqué ma curiosité https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032655082:
"Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.

La contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende."

Ma compréhension de cet article de loi est que toute violation du droit d'auteur est punie de 3 ans de prison même si :

* la personne a agi de bonne foi
* la personne a immédiatement arrêté la violation après avoir reçu un avertissement
* il ne s'agit pas de récidive
* la violation n'a pas été faite dans un but commercial

Imaginons que je vais sur un site et télécharge une image qui est marquée comme libre de droit, mais en fait le site a fait une erreur et cette image n'est pas libre de droit. Ou (le scénario exact n'est pas très important) je fais une vidéo Youtube et en parlant d'une chanson, j'inclus un peu trop de texte, ce qui fait que je ne suis plus protégé par le "fair use" / "usage loyal".

Quelqu'un dépose plainte contre moi, sans aucun avertissement. J'ai agi sans aucun but commercial, et je n'ai pas récidivé. Dès que la plainte est déposée, j'arrête la violation (par exemple, je retire ma vidéo Youtube).

Bien sûr, je ne vais pas aller 3 ans en prison pour ça, mais j'aimerais comprendre pourquoi.

Est-ce que mon seul espoir repose sur le fait que le procureur classe l'affaire sans suite, ou existe-t-il des scénarios où je suis jugé coupable de violation de droit d'auteur mais je ne suis pas condamné à 3 ans de prison?

Est-il documenté quelque part les facteurs qui sont pris en compte par le procureur pour classer l'affaire sans suite ou alternativement, est-il documenté quelque part les facteurs qui sont pris en compte pour ne pas me condamner à 3 ans de prison (apparemment en contradiction avec l'article L335-2).

Je ne m'y connais pas en droit donc il est possible que ce que j'ai dit n'ait aucun sens!

Merci à toute âme charitable qui pourrait m'éclairer!

Poser une question Ajouter un message - répondre
Posté le Le 02/06/2023 à 05:54
Bonjour,

Il n'y a pas de délit sans intention de le commettre, sauf dans certains cas définis par le Code pénal (homicide involontaire...) :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417208

Donc si la personne peut prouver "de bonne foi" avoir utilisé la propriété intellectuelle d'autrui sans en avoir conscience, non, elle ne peut être condamnée pour contrefaçon : par exemple dans le cas où elle a acheté les droits patrimoniaux à un escroc. Bien évidemment, comme on utilise rarement une œuvre sans s'en rendre compte, il va falloir justifier de pourquoi on a cru détenir des droits la concernant.

Méconnaître la loi, que nul n'est censé ignorer, n'est pas agir de bonne foi.


Il n'y a pas de fair use en droit français, donc celui-ci ne vous protègerait pas du tout. Il y a des exceptions au droit d'auteur définies par la loi, alors que le fair use anglosaxon est essentiellement jurisprudentiel (défini par les juges au fil du temps).

La raison est simple : vous usurpez les droits d'autrui. L'auteur d'une œuvre a des droits patrimoniaux, mais aussi des droits moraux (dont celui de décider des conditions d'utiliser et d'édition de son œuvre, le droit au respect de son œuvre...). Ce n'est pas qu'une question d'exploitation commerciale. C'est l'équivalent du vol pour les objets immatériels que sont les œuvres d'art. Ce n'est pas parce que quelqu'un vole sans but lucratif qu'il n'y a pas de délit.

De même que si vous vous appropriez un objet qui traîne il vous appartient de vérifier qu'il est sans maître, il vous appartient de vérifier que vous pouvez utiliser une œuvre trouvée sur Internet ou ailleurs. Si vous trouvez un vieux vêtement dans une poubelle, le propriétaire a voulu s'en débarrasser. Si une carte bancaire traîne sur un banc, et que vous l'utilisez pour acheter des choses, difficile de prétendre agir de bonne foi.

En France, une œuvre n'est jamais "libre de droits". Elle peut être libre de droits patrimoniaux, mais pas moraux (la paternité...). Il faut par exemple toujours créditer l'auteur.

En revanche, dans votre exemple concernant l'image, si vous aviez de bonnes raisons de faire confiance au site en question (site de vente d'images, site présenté comme celui de l'auteur de la photographie, site gouvernemental...), il n'y aurait pas délit de contrefaçon.

Trois ans de prison n'est que la peine maximale encourue. Comme pour tout délit, le juge prend en compte le contexte.

Sauf si l'on est dans un des cas définis par la loi, il faut s'abstenir d'utiliser une œuvre non entrée dans le domaine public ou sans autorisation :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037388886/

__________________________
Modératrice

Posté le Le 02/06/2023 à 17:00
Merci beaucoup, Isadore, pour votre réponse !

L'Article 121-3 est très intéressant en effet. Je suppose que dans ce cas, il faut regarder à la jurisprudence de ce qui est la "due diligence" dans ce cas-là.

Cela me fait penser à la question de 'LouDB' dans ce post qui me semble un bon exemple : Menaces suite à utilisation d'une photo Creative Commons. Je suppose que l'Article 121-3, pourrait protéger 'LouDB' de poursuites par cet escroc. Puisque 'LouDB' a téléchargé l'image sur Wikimedia où elle était présentée comme étant 'Creative Commons CC-BY-SA 3.0', on peut difficilement dire que 'LouDB' n'a pas fait de "due diligence" ou que 'LouDB' ignorait la loi. D'ailleurs, vous semblez le confirmer quand vous dites :

Citation :
"En revanche, dans votre exemple concernant l'image, si vous aviez de bonnes raisons de faire confiance au site en question (site de vente d'images, site présenté comme celui de l'auteur de la photographie, site gouvernemental...), il n'y aurait pas délit de contrefaçon."


---

Votre comparaison avec le vol physique m'a aussi beaucoup éclairée ! Les deux semblent traités de la même façon. L'Article 311-3 est presque identique : "Le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende."


---

Citation :
Trois ans de prison n'est que la peine maximale encourue. Comme pour tout délit, le juge prend en compte le contexte.


Merci ! Je n'avais pas compris cela. Naïvement, quand je voyais écrit "est puni de trois ans", il me semblait que c'était la peine minimum et maximum, sinon j'aurais cru qu'il serait écrit "est puni jusqu'à trois ans". Mais il semble que c'est le contraire. Par défaut, c'est donc une peine maximale et si c'est minimum, c'est précisé, comme dans l'Article 132-18 où il est précisé :
Citation :
une peine d'emprisonnement qui ne peut être inférieure à deux ans


Est-ce que la façon dont le juge prend en compte le contexte pour déterminer la peine est appelée "Jurisprudence" ? Est-ce documenté quelque part ? Par exemple, des exemples de cas et les sentences correspondantes ?

Ajouter un message - répondre

PAGE : [ 1 ]


pub devis