Livrets de ses enfants mineurs et responsabilité de la banque

> Famille > Enfants > Autorité parentale

Posté le Le 20/06/2025 à 07:39
Bonjour,

Ce sujet n'est pas une question, mais je voudrais signaler cette jurisprudence récente de la Cour de cassation qui pourrait intéresser les visiteurs ou les intervenants :
https://www.courdecassation.fr/en/decision/684a6c193ec57bb95fcfd587

Un père a vidé les livrets d'épargne de ses enfants mineurs au profit de sa société.

La banque a été condamnée pour avoir manqué à son devoir de vigilance en n'alertant pas la mère, alors que puiser dans un livret bancaire est d'après la loi un acte de disposition nécessitant l'accord des deux parents.

5. Il résulte de l'article 389-5, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, et de l'article 505, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022, du code civil que, dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes de disposition sur les biens du mineur. A défaut d'accord entre les parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles.

6. Selon l'annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, est un acte de disposition la modification de tout compte ou livret ouverts au nom de la personne protégée.

7. L'arrêt énonce que la banque est tenue à un devoir de vigilance et constate que M. [H] a fait procéder, seul, à des virements sur chacun des trois comptes d'épargne ouverts aux noms de ses enfants mineurs.

8. Il en résulte que la banque, en ne sollicitant pas l'autorisation de l'autre parent pour accomplir ces actes de disposition, a commis une faute engageant sa responsabilité.


Une chose m'étonne : d'après la presse les 3 enfants avaient moins de 16 ans au moment des faits. Leurs parents avaient donc l'usufruit légal de leurs biens.

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Modératrice

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Posté le Le 20/06/2025 à 14:07
Oui usufruit légal ou mais avec accord de l'autre parent pour aller prendre de l'argent sur le compte des enfants. Imaginez un instant que vos parents mettent de l'argent sur le compte de leurs petits enfants et que l'autre vienne se servir comme si c'était son compte personnel .. Ca ne l'est pas .. D'où la nécessité de l'accord de l'autre parent. La banque est évidemment en tort.

Posté le Le 20/06/2025 à 14:20
Juridiquement ce n'est pas si évident que cela.

L'usufruit des parents signifie, dans le cas de liquidités, qu'ils ont le quasi-usufruit du capital. Donc ils peuvent théoriquement "piocher" librement sur les comptes de leurs enfants à condition de rendre l'argent une fois l'usufruit éteint (lors des 16 ans de l'enfant).

Et cela concerne tous les biens des enfants, sauf ceux qui sont exclus par la loi :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031322935

Cette jurisprudence, si elle est appliquée à des biens dont les parents ont l'usufruit, limite donc leur droit de jouissance.

J'ai bien conscience des limites du système pour ce qui est de l'intérêt de l'enfant... en pratique un enfant dont les deux parent sont d'accord ou qui n'a qu'un seul parent ayant l'autorité parentale peut aisément être dépouillé.

Je ne suis pas réfractaire à cette décision, bien au contraire.

Mais j'aurais bien aimé savoir comment les juges auraient traité la question du quasi-usufruit, et je me demande pourquoi l'avocat de la banque n'a pas avancé cet argument.

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Modératrice

Posté le Le 22/06/2025 à 04:34
Bonjour Isadore,

cette jurisprudence, est-elle valable même pour une somme modique, par exemple quelques 500 euros par enfant ?

(les faits : père condamné au pénal pour violence envers femme et enfants; obligé par le juge de quitter la maison familiale; immédiatement après sa condamnation il clôture tout seul les livrets de ses deux enfants de 8 et 11 ans; aucune idée sur l'utilisation de ces quelques 1000 euros; la mère s'adresse à son agence bancaire qui lui répond que "la clôture des livrets a été faite dans les règles de l'art"; la mère s'adresse ensuite au service satisfaction clients de la même banque et même réponse; en train de divorcer depuis)

Peut-elle s'adresser à nouveau à la banque en joignant votre jurisprudence ?

Merci d'avance

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Bien respectueusement

Posté le Le 22/06/2025 à 05:10
Bonjour,

Oui Jpgroussard, je pense, surtout que la banque a répondu n'importe quoi : la clôture d'un compte bancaire est un acte de disposition qui nécessite l'accord des deux parents :
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000020017088

Cette décision de la Cour de cassation se fonde d'ailleurs sur cela : "modifier" un livret bancaire est aussi un acte de disposition, qui nécessite l'accord explicite des deux parents (quand ils ont tous les deux l'autorité parentale).

Si la mère est en train de divorcer, elle a un avocat : le mieux est qu'elle lui demande conseil. Il ne faut pas nuire à sa stratégie concernant le divorce.

Mais je pense que si la banque ne se montre pas plus accommodante la mère pourra saisir le médiateur bancaire (démarche simple, gratuite et sans risque).

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Modératrice

Posté le Le 22/06/2025 à 05:17
Bonjour

L’administration légale des biens a un cadre particulier défini par la loi .
Comme tous droits des parents , il a pour objet l’intérêt de l'enfant .
Enfin les actes de disposition des biens de l'enfant sont des actes qui engage l'avenir de l'enfant : par de là, un acte non usuel de l'autorité parentale .

Citation :
Article 385

Modifié par ORDONNANCE n°2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3
L'administrateur légal est tenu d'apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur.

Conformément à l'article 17 de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.

Il est applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur


Il y a aussi des limites :

Citation :
Article 387-1

Création ORDONNANCE n°2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

L'administrateur légal ne peut, sans l'autorisation préalable du juge des tutelles :

1° Vendre de gré à gré un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;

2° Apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;

3° Contracter un emprunt au nom du mineur ;

4° Renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ;

5° Accepter purement et simplement une succession revenant au mineur ;

6° Acheter les biens du mineur, les prendre à bail ; pour la conclusion de l'acte, l'administrateur légal est réputé être en opposition d'intérêts avec le mineur ;

7° Constituer gratuitement une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d'un tiers ;

8° Procéder à la réalisation d'un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur.

L'autorisation détermine les conditions de l'acte et, s'il y a lieu, le prix ou la mise à prix pour lequel l'acte est passé.

Conformément à l'article 17 de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2016.

Il est applicable aux administrations légales en cours au jour de son entrée en vigueur.



Et des interdictions :


Citation :
Article 387-2

Création ORDONNANCE n°2015-1288 du 15 octobre 2015 - art. 3

L'administrateur légal ne peut, même avec une autorisation :

1° Aliéner gratuitement les biens ou les droits du mineur ;

2° Acquérir d'un tiers un droit ou une créance contre le mineur ;

3° Exercer le commerce ou une profession libérale au nom du mineur ;

4° Transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits du mineu


Posté le Le 22/06/2025 à 06:12
Bonjour à tous
MERCI A ISADORE

Je connais un peu ce genre de problème, traité parfois lors de ma période "déontologie" en banque.

Je suis pleinement d'accord sur le devoir d'alerte et la nécessité d'obtenir la signature DES parents.

A la base, il y a un conseiller qui n'a pas bien fait le travail et parfois a estimé la solution bien "pratique" pour combler un "trou" au niveau du compte PRO.

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Marck ESP, Administrateur
Après un séjour-randos au Népal, je vois mieux encore l'essentiel et la valeur d'un mot bienveillant. (°_°)

Posté le Le 22/06/2025 à 08:46
Bonjour.

Effectivement, c'est sans doute le 387-1 8° qui empêche l'exercice de l'usufruit légal (386-1) sous la forme du quasi-usufruit (alors qu'il ne devrait y avoir de problème pour prélever les intérêts générés, ce qui aussi est sous-entendu dans le 8° : il faut regarder si on a "une dépréciation significative de sa valeur en capital").

Il faudrait donc demander au juge des tutelles l'autorisation d'exercer l'usufruit sous la forme de quasi-usufruit, avec une convention de quasi-usufruit stipulant la créance de restitution aux 16 ans de l'enfant. Et sans doute sur une seule moitié du capital, puisque l'usufruit légal est partagé entre les deux parents, en cas d'un seul demandeur.

Enfin, dans le cas présent, peut-on parler de jouissance de l'argent dans la mesure où il a servi à enrichir une entreprise ?

Posté le Le 22/06/2025 à 10:20
Enfin, dans le cas présent, peut-on parler de jouissance de l'argent dans la mesure où il a servi à enrichir une entreprise ?
En principe le quasi-usufruit permet à l'usufruitier de disposer de l'argent comme bon lui semble, à condition de le rendre en temps voulu.

En revanche il semble que les parents doivent éviter une utilisation qui empêcherait le remboursement de la créance lors des 16 ans de l'enfant.

D'après divers articles de presse, l'entreprise a été liquidée, ayant fait faillite, et que le père était au RSA (donc insolvable). C'est ce qui a poussé la mère à se retourner contre la banque. Il y a eu là un manque évident de prudence de la part du père, contraire à l'intérêt des enfants.

Cette jurisprudence va sans doute rendre les banques plus sourcilleuses concernant les comptes des mineurs... et peut-être mettre fin à des pratiques illégales comme la fermeture de comptes sans l'accord des deux titulaires de l'autorité parentale.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 22/06/2025 à 10:27
Citation :
En principe le quasi-usufruit permet à l'usufruitier de disposer de l'argent comme bon lui semble, à condition de le rendre en temps voulu.

Pas d'en disposer, mais de le consommer. Là, l'argent n'a pas disparu, il n'a pas été consommé, il se retrouve sur les comptes de l'entreprise. Après, l'entreprise l'aura peut-être consommé.

Citation :
Article 587
Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

Je pense qu'il est sous-entendu que la manière de s'en servir, c'est justement de consommer.

Et de fait, le père n'a exercé aucune jouissance de cet argent. Le quasi-usufruit, forme d'exercice de l'usufruit, exige que le quasi-usufruitier en tire une jouissance.

Posté le Le 22/06/2025 à 10:38
Après, l'entreprise l'aura peut-être consommé.
Oui, il a été utilisé pour acquérir un véhicule, avant la faillite de l'entreprise (toujours d'après la presse).

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Modératrice

Posté le Le 22/06/2025 à 10:45
Les parents ne sont pas usufruitiers des biens de l'enfant .
Ils sont administrateurs légaux, ils ne peuvent donc pas disposer des biens de l’enfant à leur guise .

S'ils le font ,c'est uniquement par rapport aux besoins de l'enfant et certains actes sont interdits ou nécessitent l'autorisation du juge des tutelles .



https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000044929395

Posté le Le 22/06/2025 à 10:55
Citation :
Les parents ne sont pas usufruitiers des biens de l'enfant.

Bien sûr que si, jusqu'aux 16 ans de l'enfant, et c'est la loi qui confère cet usufruit aux parents. La jouissance légale (= l'usufruit légal) est attachée à l'administration légale. Articles 386-1 et 386-2.

Et ne faites pas la réponse que usufruit et jouissance, ce n'est pas la même chose.

Citation :
Article 578
L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.


Citation :
Article 601
Il donne caution de jouir raisonnablement, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit ; cependant les père et mère ayant l'usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d'usufruit, ne sont pas tenus de donner caution.


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