Donation hors part

> Famille > Succession

Posté le Le 01/03/2024 à 13:45
Ma mère souhaite modifier une donation de l’usufruit d’un studio consentie en 2015 « en avancement de part » à la succession en une donation « hors part ».

Je comprends que, bien que cette modification m’avantagera (la donation ne sera plus rapportable à sa succession), elle requière mon acceptation express et authentique, devant notaire (Cass. civ. 1, 29 juin 2011, n° 10-17.562). Ma compréhension est-elle correcte ?

Ou, au contraire, pensez-vous, que ma mère (qui est d’accord) pourrait, modifier la nature de cette donation sans repasser devant le notaire ? Par exemple via un testament olographe et une annexe dans laquelle j’accepte la modification ?

Je vous remercie

Poser une question Ajouter un message - répondre
Posté le Le 01/03/2024 à 14:36
bonjour,

toute modification de donation requiert l'accord du donateur et du donataire donc concours du notaire nécessaire.

une donation a un effet immédiat et irrévocable, qui ne peut pas être modifiée par un testament du seul donateur.

salutations

Posté le Le 01/03/2024 à 15:04
Bonjour,

On ne modifie pas la donation (et donc la propriété des objets ou les conditions), mais son caractère rapportable à la succession.

L'article 919 du Code civil dit :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433747
La déclaration que la donation est hors part successorale pourra être faite, soit par l'acte qui contiendra la disposition, soit postérieurement, dans la forme des dispositions entre vifs ou testamentaires.
Par essence le donataire ne donne pas son consentement aux dispositions testamentaires prises par le donateur.

Si j'en crois la Cour de cassation, lorsque le caractère hors part est déclaré "dans la forme des dispositions entre vifs", il faut le consentement du donataire.

Mais une déclaration par voie testamentaire exclut toute nécessité de rechercher l'accord du bénéficiaire du vivant du donateur. La forme même du testament ne permet pas le recueil de ce consentement.

Pour moi votre mère peut parfaitement décider dans un testament olographe que cette donation sera hors part, sans vous demander votre avis. Si après son décès vous préférez rapporter cette donation à la succession en dépit du testament, je suppose que les autres héritiers ne vont pas s'y opposer.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 02/03/2024 à 08:56
Bonjour.

C'est bien une donation d'usufruit, et pas une donation avec réserve d'usufruit ?

Si oui, c'est bien une donation d'usufruit (où l'usufruit reste attaché à la tête de votre mère et n'est donc pas viager sur votre tête), et pas une constitution d'usufruit viager sur votre tête ? Indice pour répondre à cette question : pour la valorisation de l'usufruit, on a utilisé votre âge ou celui de votre mère ?

Si c'est bien une donation d'usufruit, notez que le changement de caractère à la donation ne servira à rien. Car aussi bien pour le rapport que la réduction, la valeur de l'usufruit donné sera nulle au décès, et donc au partage. (On suppose que la donation d'usufruit n'a pas été faite dans le cadre d'une donation-partage.)

Posté le Le 04/03/2024 à 14:13
Bonjour, je vous remercie tous les trois pour vos réponses !

Rambotte, merci mais, désolée, je ne comprends pas pourquoi vous dites « le changement de caractère à la donation ne servira à rien. Car aussi bien pour le rapport que la réduction, la valeur de l'usufruit donné sera nulle au décès, et donc au partage ».

Je me permets ne vous donner quelques détails qui sont peut-être importants :
Il s’agit bien d’une donation d’usufruit (et non d’une donation avec réserve d'usufruit ) faite hors d’une donation-partage.
En 2009, mes parents m’ont donné (chacun pour moitié) dans une donation-partage, la nue-propriété d’un studio qui leur appartenait à part égale.
En 2012, ma mère a obtenu une habilitation générale du juge des tutelles qui lui permettait de représenter son mari malade y compris dans les actes de disposition.
En 2015, ma mère (et mon père qu’elle représentait) m’a fait une donation de l’usufruit « en avancement de part » à la succession afin que j’arrête de lui payer un loyer de ce studio que j’habitais.
En 2019, mon père est décédé.
Depuis quelques mois, ma mère (et moi même) avons réalisé les conséquences de la donation «en avancement de part » et nous  souhaitons changer le caractère de la donation pour qu’elle devienne hors part. Je comprends que cela nécessite un acte formalisant mon accord devant notaire.

Si ce changement n’est pas fait, je comprends que la donation « en avance de part » sera rapportable au partage et s’il y a une atteinte aux droits de mes sœurs, je leur devrais une indemnité de réduction. Mais peut-être que je me trompe ? Cf message de Rambotte

Si ce changement est fait, pensez-vous que l’acte le formalisant pourra prendre en compte la part de mon père décédé, vu que ma mère le représentait déjà en 2015 lors de la donation d’usufruit ? Autrement dit, ma mère peut-elle changer le caractère de la donation d'usufruit pour la totalité de sa valeur ( = la part de mon père et la sienne) ?

Ou, au contraire, la part de mon père (la moitié de l’usufruit) restera « en avancement de part », vu qu’il est décédé, me mère ne peut rendre la donation "hors part" que pour la moitié de la valeur de l'usufruit (sa part) ?
Donc je devrai rapporter, au décès de ma mère, l’usufruit pour la part de mon père pour les années entre 2015 et 2019 ?

Je vous remercie pour vos précieux éclairages !

Posté le Le 04/03/2024 à 14:40
Une donation se rapporte pour sa valeur au jour du partage. Or la valeur de l'usufruit donné sera nulle au décès, donc au partage. Donc la valeur à rapporter sera nulle, et la masse de partage ne sera pas augmentée par le rapport de la donation.

De même, pour l'intégration à la masse de calcul de la QD, comme la valeur de l'usufruit au jour du décès est nulle, la masse de calcul n'est pas modifiée par la donation.

Bref, les calculs seront comme si vous n'aviez pas eu de donation d'usufruit.

D'ailleurs, pour les mêmes raisons d'extinction de l'usufruit, celui qui reçoit une donation d'un bien en nue-propriété doit le rapport de la valeur en pleine propriété du bien donné, et si la donation est hors part, l'intégration à la masse de calcul de la QD se fait pour la valeur en pleine propriété.

https://www.de-bassan.com/fiches/rapport_successoral_droits_demembres.php
Citation :
Le rapport ne peut donc pas être de la valeur des fruits recueillis par l’usufruitier depuis la donation jusqu’au décès. Le rapport doit être égal à la valeur de l’usufruit donné mesuré au jour du décès ou du partage, sauf plus ou moins-values imputables au donataire. Si l’usufruit était constitué sur la tête du de cujus, cette valeur au décès, est égale à zéro.

Rapporter zéro (avance de part) ou vérifier que zéro n'est pas réductible (hors part), c'est de nul effet. Ainsi conférer un caractère hors part à une donation d'usufruit en avance de part n'apporte rien.

Posté le Le 04/03/2024 à 20:06
Voir aussi les derniers paragraphes de ce lien :
https://www.alsnot.fr/post/de-la-distinction-entre-donation-d-usufruit-pr%C3%A9constitu%C3%A9-et-constitution-d-usufruit-par-donation

Dans votre cas, la donation-partage ayant été faite avec réserve d'usufruit, le donateur n'étant alors plus propriétaire, il ne pouvait plus constituer ultérieurement d'usufruit sur votre tête, et donc l'usufruit donné ultérieurement restait bien viager sur la tête du donateur.

La valeur de rapport de la donation d'usufruit est donc bien nulle.

Eh oui, c'est paradoxal, mais la donation d'usufruit avantage le donataire sans rééquilibrage possible au partage par le jeu du rapport.

Posté le Le 04/03/2024 à 21:23
Bonjour,

et mon père qu’elle représentait
Avec l'accord de votre père et du juge des tutelles ?

La personne habilitée ne peut disposer à titre gratuit des biens de la personne protégée qu'avec l'autorisation du juge :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038311052

Mais je suppose que le juge des tutelles avait donné son accord, sans quoi le notaire aurait bloqué la donation faite par votre père.

Nonobstant ce que vous a expliqué Rambotte à propos du rapport de la donation d'un usufruit, il n'est pas possible à un tiers de modifier une donation faite par un défunt. Si père vous a donné quelque chose, c'était à lui de changer les dispositions de la donation... s'il en avait envie.

Et bien sûr, dans le cas d'une personne protégée, il aurait fallu un nouveau passage devant le juge.

Il est d'ailleurs un peu curieux que le juge n'ait pas nommé un tuteur ad hoc, votre mère étant partie à l'acte. Le juge n'a pas dû considérer qu'il y avait conflit d'intérêts.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 08/03/2024 à 15:04
Bonjour,

Je vous remercie pour vos réponses rapides et précises!

Je comprends que, même si ma mère a obtenu une habilitation générale en 2012 du juge des tutelles qui lui permettait de représenter son mari malade y compris dans les actes de disposition, la donation étant un acte gratuit (sans contrepartie qui appauvrit le donateur), le notaire aurait dû demandé l’autorisation du juge des tutelles en vertu de l’article 494-6 du Code Civil afin qu'il vérifie que cette libéralité :
-  correspondait à ce qu'aurait voulu mon père protégé, s'il avait était capable d'y consentir lui-même et 
- était conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux
Avis Cour Cass du 15 décembre 2021
https://www.courdecassation.fr/getattacheddoc/61bae48a574f46a61a4a04d8/880019aec24c5f04124bac45b7d09d04

Cependant, pour répondre à votre question Isadore, le notaire n’a pas demandé l’autorisation au juge des tutelles lors de la donation d’usufruit de 2015… !

Quelles pourraient-être les conséquences ? Si une de mes sœurs, avec qui je suis en conflit, saisit le juge, ce dernier pourra-t-il déclarer nulle la donation d’usufruit de 2015 pour moitié = la part d’usufruit qui appartenait mon père (représenté sans autorisation du juge) et en conséquence, seule la part de donation consentie par ma mère serait valable ?

Ne serais-je pas alors, concernant la part de mon père, dans la situation de cet arrêt de la Cour de Cassation du 2 mars 2022 ? Mon père usufruitier m’a fait une intention libérale en me logeant gratuitement (il m’a donné les fruits mais a conservé l’usufruit) et cet avantage sera rapportable à la succession de ma mère ?
La valeur a rapporter sera-t-elle égale à la moitié (= part de mon père) de la valeur des loyers qui auraient pu être tirés de la location du mon appartement à un tiers depuis la donation-partage avec réserve d’usufruit m’attribuant la nue-propriété jusqu’au décès de mon père ?

Je me permets de citer ce blog
https://blog-gestion-patrimoine.cfpb.fr/loger-gratuitement-un-enfant-majeur-quelles-consequences/
« Un arrêt de la Cour de Cassation de mars 2022 (1ère Civ. 2 mars 2022) a néanmoins considéré l’intention libérale dans le cas de l’occupation gratuite par un enfant nu-propriétaire d’un bien immobilier consentie par une mère usufruitière. Cet avantage est alors rapportable à la succession de celle-ci. Le montant du rapport correspond aux loyers qui auraient pu être perçus, après déduction des charges incombant à l’usufruitière »

https://cms.law/fr/fra/news-information/l-occupation-gratuite-d-un-appartement-par-un-enfant-peut-elle-constituer-une-donation-indirecte

Concernant la part d’usufruit donnée par ma mère, je comprends en lisant (plusieurs fois ;-)) les messages et liens envoyés par Rambotte- que je remercie infiniment à nouveau !) que le fait que j’ai reçu une donation de l’usufruit de ma mère alors que j’étais déjà nue-propriétaire change tout !

Peu importe que la donation d’usufruit soit « en avancement de part » ou transformé en « hors part » , cette donation aura une valeur égale à zéro lors du décès de ma mère et donc du partage. Je ne devrai aucune indemnisation de mes cohéritiers, je n’aurai pas à rapporter les fruits perçus pendant la durée de l'usufruit donné.

Mon problème est que le notaire nous a affirmé exactement le contraire lors d’un entretien avec ma mère ...(et depuis je passe des nuits blanches à me demander comment pourrai-je indemniser mes cohéritiers vu la somme en jeu…).
Il nous a expliqué :
- qu’il fallait qu’elle fasse un testament pour modifier cette donation en « hors part » (il n’a pas parlé du fait que je doive accepter cette transformation en hors part dans un acte notarié, ce qui est pourtant, je le comprends grâce à ce forum, indispensable…) et
- que si ma mère ne fait pas ce testament, vu que la donation a été faite « en avancement de part successorale », la valeur de la donation devra être réévaluée et rapportée au moment du partage en vertu de l’article 851 alinéa 2 du Code civil: « Il [le rapport] est également dû en cas de donation de fruits ou de revenus, à moins que la libéralité n'ait été faite expressément hors part successorale. »

Je me permettrai de reprendre vos explications Rambotte (en espérant que cela ne vous gène pas ...) devant le notaire : la donation-partage de la nue-propriété ayant été faite avec réserve d'usufruit, le donateur n'étant alors plus propriétaire, il ne pouvait plus constituer ultérieurement d'usufruit sur ma tête et donc la donation d’usufruit à été faite sur la tête de mes parents (d’ailleurs dans la donation de 2015, la valorisation de l'usufruit a été faite avec l’âge de mes parents et non le mien). L’usufruit donné reste viager sur la tête du donateur (donc de ma mère)  et s’éteindra à son décès, sa valeur au partage sera donc égale à zéro.

Cependant, j’ai lu que cette solution en dérange plus d'un et on a pu défendre l'idée que le donataire rapporte les fruits perçus pendant la durée de l'usufruit (A. Karm, La donation d'usufruit d'un bien antérieurement donné en nue-propriété, JCP N 2020. 1265 ; contra M. Grimaldi, obs. Préc.

ou encore dans cet article de 2020 sur la donation d’usufruit temporaire
https://notaires.bremens.com/la-donation-dusufruit-temporaire-entre-certitudes-et-interrogations/
 « Alors que la donation de fruits déclenche un rapport du montant des fruits perçus, la donation d’usufruit doit faire l’objet d’un traitement juridique identique.
Il nous semble que le rapport doit être abordé de la même manière en partant du principe que sur le plan liquidatif, la donation emporte, quels que soient les modes opératoires : donation de fruits, donation d’usufruit, voire parfois mise à disposition gratuite directe du bien, le droit de percevoir les fruits depuis le jour de la jouissance jusqu’à son terme. C’est alors la valeur totale de l’usufruit sur toute la durée qui doit, à notre avis, faire l’objet du rapport. »

Pensez-vous que :
- depuis l’arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1re, 5 janv. 2023, n° 21-13.966) qui rappelle que, dans l'hypothèse de la donation d'un usufruit préconstitué sur la tête du donateur, c'est le décès de ce dernier qui entraîne l'extinction du droit, il n’y a plus de débat et que le notaire ne pourra pas réévalué l’usufruit reçu (vu que obliger le donataire d'un usufruit à rapporter les fruits reviendrait à l'obliger au rapport des fruits du bien donné : ce que l'article 856 du code civil exclut expressément) ou - est-il préférable que la donation soit transformée en « hors part » au cas où le notaire refuse un rapport à zéro de la donation d’usufruit ou qu'il y ait un changement de jurisprudence d'ici quelques années ?

Je vous remercie vivement pour votre aide précieuse !

Posté le Le 08/03/2024 à 16:12
Citation :
et donc la donation d’usufruit à été faite sur la tête de mes parents

Ce n'est pas la donation qui a été faite sur la tête de vos parents, c'est l'usufruit donné qui est un usufruit sur la tête de vos parents.

Citation :
Il nous a expliqué qu’il fallait qu’elle fasse un testament pour modifier cette donation en « hors part » (il n’a pas parlé du fait que je doive accepter cette transformation en hors part dans un acte notarié, ce qui est pourtant, je le comprends grâce à ce forum, indispensable…)

Le testament est suffisant, puisque vous aurez le droit d'accepter ou de renoncer à cette vocation successorale de transformation du caractère de la donation.

Citation :
au cas où le notaire* refuse un rapport à zéro de la donation d’usufruit

Si vous craignez ne pas pouvoir faire valoir dans un partage que la donation d'usufruit n'est pas une donation de fruits, un testament de votre mère sera bien sûr une sécurité.
* notez que c'est plus le juge que le notaire qu'il faut convaincre, le notaire n'ayant aucun pouvoir d'imposer une solution de partage, ni à l'un ni à l'autre

Citation :
Pensez-vous que depuis l’arrêt…

Je ne pense rien à ce sujet. Je ne suis pas juriste et donc encore moins dans le domaine de la doctrine. Je pense en fait que vous en savez à peu près autant par vos recherches. Je vous ai fait part du raisonnement juridique qui dit que la chose donnée, un droit d'usufruit resté viager sur la tête du donateur, doit être rapportée pour sa valeur au jour du partage ; l'usufruit étant éteint, sa valeur est nulle.

D'ailleurs l'arrêt cité ne parle pas de la valeur de rapport de la donation d'usufruit, mais de l'existence ou non d'une indemnité d'occupation. Il faudrait trouver des arrêts discutant du rapport ou de la réduction d'une donation d'usufruit (non temporaire), ce dernier restant viager sur la tête du donateur.

A mon avis, la valeur de rapport nulle est en cohérence avec :
- le fait qu'une donation (hors partage bien sûr) en nue-propriété est rapportable pour sa valeur en pleine propriété ;
- le fait qu'une donation en pleine propriété est rapportable pour sa valeur en pleine propriété (tautologie) sans qu'il soit dû le rapport des fruits jusqu'au décès.

Si le rapport de la donation d'usufruit n'était pas nul, le donataire en deux temps de la nue-propriété puis de l'usufruit devrait rapporter plus que le donataire en pleine propriété…

Ajouter un message - répondre

PAGE : [ 1 ]


pub devis