Garantie pour le nu-propriétaire sur des liquidités en usufruit ?

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Posté le Le 31/01/2025 à 23:41
Bonjour,

Je suis en train de régler une succession et j’ai une question sur la protection du nu-propriétaire lorsque l’usufruit porte sur des liquidités.

Dans mon cas, la veuve de mon père, avantagée par une donation au dernier vivant, a opté pour la répartition 1/4 en pleine propriété – 3/4 en usufruit. La nue-propriété portera donc sur des biens immobiliers, mais aussi sur des liquidités.

La notaire m’indique que les liquidités actuellement bloquées sur le compte de l’étude seront versées à la veuve usufruitière et qu’une fois cette somme perçue, elle ne sera plus récupérable par moi, même en cas de décès de l’usufruitière et même si elle n’a pas tout dépensé.

Je ne comprends pas pourquoi, sur une somme de 100 000 € par exemple, dont ma nue-propriété représente 3/4, il n’existe aucun mécanisme assurant la restitution de ces fonds à mon profit. Pourquoi cette somme ne deviendrait-elle pas une dette imputable à sa succession si elle venait à tout dépenser ?

Existe-t-il un moyen juridique permettant de garantir la restitution de la part correspondant à la nue-propriété sur ces liquidités ?

Merci d’avance pour vos éclaircissements.

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Posté le Le 01/02/2025 à 07:48
Bonjour et condoléances

Renseignez vous sur le quasi usufruit.
Mais....
La veuve n'est pas votre mère ?
Dans ce cas elle n'a pas à opter. C'est toujours 1/4 en pleine propriété. Il n'y a pas d'usufruit ?

Cf 757 du code civil

Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.

Posté le Le 01/02/2025 à 10:06
Bonjour.

@yapadequoi, on nous parle de donation entre époux, dite "au dernier vivant".

S'agissant d'une libéralité en usufruit, et non de l'usufruit légal du conjoint survivant, le quasi-usufruit n'est pas de droit. Vous pouvez exiger qu'il soit fait emploi des sommes.

Citation :
Article 1094-3
Les enfants ou descendants pourront, nonobstant toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant aux biens soumis à l'usufruit, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'état des immeubles, qu'il soit fait emploi des sommes et que les titres au porteur soient, au choix de l'usufruitier, convertis en titres nominatifs ou déposés chez un dépositaire agréé.

Cela dit, si vous laissez s'exercer le quasi-usufruit sur les sommes, vous n'avez pas besoin de convention de quasi-usufruit pour revendiquer une créance de quasi-usufruit. En effet, cette convention sert fiscalement aux nus-propriétaires qui sont héritiers de l'usufruitier à pouvoir porter au passif de la succession de leur parent usufruitier la dette de restitution du quasi-usufruit. Vous n'avez que faire de cette preuve fiscale qu'est la convention, vous ne serez pas concerné par la succession de l'usufruitière. Vous serez civilement créancier de la succession de l'usufruitière, et vous aurez toutes les actions d'un créancier contre son débiteur, les héritiers de l'usufruitière. La preuve civile de la créance devrait être constituée par le simple fait qu'elle ait accepté l'usufruit, et que les sommes lui ont été versées.

Par ailleurs, d'une manière générale liée à l'usufruit, peu importe sa source, il y a des moyens de protection :
Citation :
Article 601
Il donne caution de jouir raisonnablement, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit ; cependant les père et mère ayant l'usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d'usufruit, ne sont pas tenus de donner caution.

Article 602
Si l'usufruitier ne trouve pas de caution, les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre ;
Les sommes comprises dans l'usufruit sont placées ;
Les denrées sont vendues et le prix en provenant est pareillement placé ;
Les intérêts de ces sommes et les prix des fermes appartiennent, dans ce cas, à l'usufruitier.

Outre l'application du 1098-3 (qui ne peut être interdite par la donation entre époux), vous pouvez demander que l'usufruitière trouve une caution, à moins que la donation entre époux l'en dispense.

Posté le Le 01/02/2025 à 10:26
Bonjour,

C'est bien tout le problème de l'usufruit portant sur des liquidités.

La veuve de votre père peut tout à fait tout dépenser, vous n'avez aucun moyen de l'en empêcher.

Et même si elle est censée vous laisser, à son décès, l'équivalent de la somme qu'elle avait en usufruit, que voulez-vous faire contre elle une fois qu'elle sera décédée ?

__________________________
Superviseur

Posté le Le 01/02/2025 à 10:47
Citation :
La veuve de votre père peut tout à fait tout dépenser, vous n'avez aucun moyen de l'en empêcher.

Bien sûr que si, il y a moyen : l'emploi des sommes soumises à usufruit, emploi que le nu-propriétaire peut exiger, en vertu du 1094-3.
Les notaires des usufruitiers se gardent bien de parler du 1094-3.

Citation :
que voulez-vous faire contre elle une fois qu'elle sera décédée

Agir comme créancier contre les héritiers de l'usufruitière. Le quasi-usufruit est le fait générateur de la créance de restitution.

Bon, c'est plus pratique de faire placer les sommes en démembrement, l'usufruitière ne pouvant percevoir que les intérêts sans pouvoir toucher au capital au nom du nu-propriétaire, que d'agir en recouvrement de créance.

Posté le Le 01/02/2025 à 12:15
Bonjour Rambotte,

Désolé mais je ne vous suis pas. Rien ne peut empêcher une personne usufruitière de dilapider tout l'argent dont elle dispose.

Citation :
Agir comme créancier contre les héritiers de l'usufruitière.


A condition qu'il y ait des héritiers qui acceptent la succession. Ce qui est rare lorsqu'une personne ne laisse que des dettes...

C'est une situation que j'ai bien connu, hélas...

__________________________
Superviseur

Posté le Le 01/02/2025 à 12:35
Si le capital est placé sur un compte bloqué, l'usufruitier ne pourra pas le dépenser.

Posté le Le 01/02/2025 à 12:40
Le nu-propriétaire de sommes soumises à usufruit issu d'une libéralité peut exiger qu'elles ne soient pas remises à l'usufruitier, mais placées sur un produit financier en démembrement, sans droit pour l'usufruitier de consommer le capital, son seul droit étant de percevoir les intérêts ou dividendes (les fruits). Ceci garantit le capital, qui est recouvert en pleine propriété au décès de l'usufruitier.

C'est l'article 1094-3 du code civil, qui ne peut même pas être empêché par le défunt : "nonobstant toute disposition contraire du disposant.

Evidemment, si le nu-propriétaire ne fait pas appliquer cet article en sa faveur, l'usufruit s'exerce sous la forme du quasi-usufruit, et l'usufruitier consomme comme il veut cet argent, laissant au nu-propriétaire son droit de créance contre la succession, qui se débrouillera comme il pourra.

(Il faut qu'il n'y ait aucun bien pour pousser les héritiers de l'usufruitier à renoncer, la simple présence d'une dette, si elle est inférieure à l'actif, ne fait pas renoncer.)

Voir peut-être un avocat pour l'application concrète, le mode opératoire, de l'emploi, exigible par le nu-propriétaire, des sommes soumises à usufruit. Le notaire de l'usufruitière ne va sans doute pas s'occuper de cet emploi.

Posté le Le 01/02/2025 à 15:40
Je vois que j'ai ouvert un sujet soumis à discutions. Merci pour vos réponses qui m’éclairent et me rassurent dans l'immédiat.

Effectivement, la notaire s'est gardé d'évoquer cette option pour le moment ! à suivre donc...

Merci encore

Posté le Le 01/02/2025 à 15:54
Il me semble reconnaître ce pseudo JB77 qui ouvre des sujets sur les successions depuis assez longtemps sur le forum ?

Posté le Le 01/02/2025 à 16:08
Oui Rambotte (je vous ai envoyé un message privé pour m'expliquer)


Merci d'avoir cité l'article 1094-3. Dans la donation entre époux, il y a effectivement dispense de fournir caution. Je pensais que je n'aurais aucun autre choix que d'accepter que ces sommes puissent être dépensées.

À voir désormais comment mettre en œuvre cet article avec le notaire en charge de la succession.

Posté le Le 01/02/2025 à 16:35
Je me demande si je n'avais pas déjà évoqué cet article dans les discussions supprimées depuis.

La dispense de donner caution reste valable. Une dispense d'inventaire et d'état des lieux ne l'est pas.

Notez qu'une solution amiable peut exister : le partage des liquidités soumises à usufruit au prorata des droits, chacun disposant de sa quote-part d'argent, faisant disparaître l'usufruit. Celle solution ne peut pas être imposée, elle est amiable. Je me demande si je n'avais pas évoqué ça aussi.

Si l'usufruit vaut 20%, c'est peut-être plus intéressant de disposer tout de suite de 80% plutôt que d'attendre le décès pour avoir 100%. L'usufruitière a tout de suite un capital, au lieu d'attendre des versements d'intérêts au fil du temps.

En général, dès qu'il est question d'usufruit sur de l'argent dans un contexte de donation au dernier vivant, j'évoque toujours ces points, emploi des sommes ou partage des sommes. C'est pour cela que je pense que j'en avais parlé dans les discussions supprimées, si elles portaient sur la donation entre époux et les liquidités.

Posté le Le 01/02/2025 à 23:05
Merci pour ces précisions, Rambotte.

À l'heure actuelle, l'usufruit représente 40 %, il me serait donc financièrement plus "intéressant" d'attendre… Après, j'imagine que cela dépend toujours de la situation de chacun au moment d'une succession.

Vous dites donc que ce serait plutôt un avocat qui serait en mesure de mettre en application cette option ? Un notaire ne pourrait pas le faire ?

Par ailleurs, vous indiquez que je serais créancier envers ses héritiers si elle venait à dépenser les liquidités. Ma notaire m'a expliqué que cette créance, si elle existait, ne pourrait pas être reportée sur la succession de ma belle-mère, notamment sur la valeur d'autres biens comme de l'immobilier. Or, ce que vous me dites semble aller dans le sens inverse : à l'ouverture de sa succession, il y aurait une dette envers moi, qui serait déduite avant de calculer la part revenant à ses héritiers, et ce, peu importe l'origine des fonds. Ai-je bien compris ?

Posté le Le 02/02/2025 à 06:51
Oui, c'est ça, c'est une créance, dite de restitution du quasi-usufruit, qui est en valeur, pas en nature, puisque justement, il y a droit de dépenser l'argent soumis à usufruit.

Le notaire n'est a priori pas en charge du règlement de la dette. Rien ne sera déduit de leur part, sinon fiscalement, dans la déclaration de succession. Vous devrez recouvrer votre créance directement contre les héritiers ayant accepté la succession. Vous n'êtes pas héritier, vous ne serez pas convié à la succession, le notaire ne vous connaîtra pas.

C'est votre propre notaire ou celle de votre belle-mère ?

Comme dit l'article, vous pouvez "exiger", mais pas du notaire, de la belle-mère, qui peut refuser vos exigences, et il faudra alors qu'un juge ordonne l'emploi. Le notaire ne peut opérer l'emploi sans accord de l'usufruitière.

Notez que l'emploi peut se faire de plusieurs façons. Si les sommes sont importantes, par l'achat d'un bien en démembrement dont vous serez nu-propriétaire et elle usufruitière. Ce n'est pas forcément un produit financier démembré.

Posté le Le 04/02/2025 à 19:09
Bonsoir,

Question complémentaire, à quel moment faut-il demander l'emploi ? Est-ce après l'acceptation de la succession ? et dans quel délai ? (vu qu'il n'y a pas de partage à proprement parlé...)

D'avance merci

Posté le Le 04/02/2025 à 19:27
Je dirais qu'il faut indiquer au plus vite votre intention qu'il soit fait emploi des sommes soumises à usufruit, pour que justement, le notaire ne verse pas les fonds à l'usufruitière au titre du quasi-usufruit.

Mais comme indiqué dans une précédente réponse, je n'ai pas de mode opératoire concret à proposer.

Posté le Le 04/02/2025 à 20:24
Merci pour votre réponse rapide.

La notaire en charge m'a indiquée que les sommes seraient conservées un temps, dans le cas où un partage serait finalement envisagé par la veuve de mon père (même si ce n'est pas son intention première).

Elle sera incitée en ce sens par la notaire, mais jusqu'à quand gardera t-elle les fonds... Je me demande d'ailleurs s'il y a un délai légal pour le versement des liquidités après signature ?

Posté le Le 07/02/2025 à 18:22
Bonsoir à tous,

Dans un des projets, il est mentionné dans un paragraphe que, lors de la signature, en parlant de moi (héritier réservataire) :

Citation :
"Il renonce à demander sur les biens dont le conjoint survivant se réserve l’usufruit :
1-que soit dressé un inventaire des forces et charges tant éventuellement, de la communauté ayant, le cas échéant, existé entre la personne décédée et son conjoint survivant que de la succession de cette personne ainsi qu'un état des immeubles pouvant dépendre desdites communauté ou succession,
2-qu'il soit fait emploi ou remploi des sommes dépendant desdites communauté ou succession,
3 - que le conjoint survivant fournisse caution dans la mesure où son choix comprend, pour tout ou partie, des biens en usufruit, et où il n'en aurait pas été dispensé dans l'acte de disposition à cause de mort précité."


Que dois-je faire de cela ? Si je l'accepte, je suppose que je ne pourrai pas revenir en arrière et demander l’emploi avec l’application de l’article 1094-3 du Code civil ni demander la mise en place d'une convention de quasi usufruit ?


D’avance, merci pour vos réponses.

Posté le Le 07/02/2025 à 18:35
A votre avis, si vous signez que vous renoncez à demander l'emploi, ça veut dire quoi ?

C'est normal que le notaire de l'usufruitière vous propose de signer cela...

C'est aussi normal que le notaire de l'usufruitière évite toute mention du quasi-usufruit pour vous laisser vous démerder au décès de l'usufruitière avec ses héritiers.

Posté le Le 08/02/2025 à 08:38
Quels sont donc mes recours, notamment si la notaire refuse d'établir une convention de quasi usufruit ? (Peut elle le refuser?)

Je croyais que le quasi-usufruit "legal" etait exigible de plein droit dès qu'il était question de sommes fongibles.

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