Usufruit ante et post mortem

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Posté le Le 22/09/2023 à 05:20
Bonjour,

J’ai effectué une donation au conjoint survivant.

Je suis à cette heure héritière de mon Papa décédé en ... 2005 ! Mais cette succession est problématique : une instance judiciaire est aujourd’hui en cours aux fins de liquidation-partage ... dénouement dans 3, 5, 7 ans ? ? ?
Je me place donc aujourd’hui dans l’hypothèse où je décède avant d’être entrée en possession de la succession de mon Papa.

Questions :

1. Pouvez-vous me confirmer que mon conjoint héritera bien de cette partie de mon patrimoine qui pourrait donc arriver après mon décès ?

2. Dans l’hypothèse où mon épouse aura fait le choix de l’usage de mes biens au jour de mon décès et que cette fraction additionnelle « post mortem » est, elle, entièrement constituée de liquidités mon épouse aura-t-elle le droit de choisir entre bénéficier des fruits (il faudrait alors placer le capital afin qu’il génère des dividendes) et recevoir la valeur de l’usufruit en fonction de son âge ?

J’espère avoir exprimé clairement ma question et vous remercie par avance de votre réponse.

Bien cordialement
J.E.H.

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Posté le Le 22/09/2023 à 06:28
Bonjour,

1. Vous êtes héritière de votre père. Votre part de l'indivision est entrée dans votre patrimoine. Vous êtes déjà en sa possession. Donc en cas de décès vos héritiers incluant votre épouse se partageront votre part.

2. Je suppose que vous avez des enfants. Il n'y aura pas de "fraction additionnelle post mortem". Si j'ai bien compris, vous faites allusion au cas où les biens indivis issus de la succession de votre père seraient vendus après votre décès et où votre épouse aurait choisi l'usufruit.

Il y aurait deux possibilités :
- vos enfants nus-propriétaires pourraient accepter de reporter l'usufruit sur le prix de vente
- votre épouse touchera la part du prix de vente correspondant à la valeur de son usufruit

Dans la première hypothèse, il y aurait une situation de quasi-usufruit. Les nus-propriétaires peuvent exiger que les biens soient placés pour préserver le capital, mais ce n'est pas une obligation. Ils peuvent laisser l'usufruitier jouir des liquidités, charge à ses héritiers de les restituer après son décès.

A noter : même en présence d'enfants, il est possible d'augmenter la protection du conjoint survivant avec une donation entre époux et un testament.

Si vous n'avez pas d'enfants, la question n'a guère de sens, votre épouse n'ayant aucune raison de choisir "l'usage" de vos biens au lieu de la pleine propriété. Sauf si votre mère est en vie, elle sera votre seule héritière. Votre fratrie (vivante ou représentée) pourrait faire valoir un "droit de retour" sur la moitié des biens reçus de vos parents et encore présents en nature dans votre patrimoine lors du décès. Mais ce "droit de retour" peut être supprimé par testament.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 22/09/2023 à 06:59
Bonjour Isadore,

Merci beaucoup pour cette réponse si rapide !

J’ai en effet 3 enfants issus de deux unions précédentes.

En fait, compte tenu des problèmes de partage de la succession de mon Papa, je pense que le tribunal n’aura pas d'autres choix que d’ordonner la mise en vente de toutes les valeur, mobilières et immobilières, afin de remplir chacun de ses droits. Il n’y aurait donc pas de biens indivis issus de la succession mon Papa.

Si je décède avant la clôture de cette procédure (ce que malheureusement je dois envisager), cette partie de mon patrimoine ne sera disponible que plus tard, très probablement sous la forme d’un capital.

Imaginons que 2 ans après mon décès, la procédure ayant été à son terme (vente de tous les actifs) la part qui me reviens est de 300 000 €, la question que je me pose est :

Mon conjoint survivant aura-t-elle le choix de demander que ce capital soit placé en totalité afin qu’elle en touche les fruits ou de recevoir la fraction de ce capital correspondant à son âge ?

Encore mille merci
Bien cordialement
J.E.H.

Posté le Le 22/09/2023 à 09:51
Alors votre épouse (ou époux, point ne sait trop) pourra s'entendre avec vos enfants sur le report de l'usufruit sur le prix de vente. Le Code civil le prévoit :
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006429647/2020-10-09

En revanche, elle ne pourra pas l'exiger. Le Code civil stipule que le report est possible avec l'accord des parties. Faute d'accord, votre épouse n'aura pas le choix et sera obligée d'accepter un partage du prix de vente.

Ce qui est je pense possible est de prévoir par testament qu'en cas de vente des biens composant l'indivision successorale de votre père, votre épouse aura la faculté de demander le report de l'usufruit des biens sur le prix vente. Une telle clause testamentaire lui donnerait le choix.

Un partage judiciaire avec tirage au sort de lots n'est pas envisagé ? Il est rare qu'un partage partiel soit impossible quand il y a du mobilier.

Avez-vous fait un testament ou une donation entre époux ? A défaut, en présence d'enfants d'un autre lit, l'époux survivant ne peut que choisir le quart en pleine propriété.

S'il passe par là, Rambotte aura des conseils utiles à vous donner.

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Modératrice

Posté le Le 22/09/2023 à 10:33
Bonjour.
La succession de votre père est en cours de liquidation-partage.
Si vous décédez avant que le partage soit réalisé (soit par attribution de lots, soit par adjudication), vos enfants (et votre époux) héritent de votre action dans la procédure, chacun pour sa part. Ils deviennent des copartageants à l'instance judiciaire. Ils pourraient ne pas avoir les mêmes objectifs que vous (et même repasser en partage amiable).
Si votre époux a des droits en usufruit, il y aura une indivision en usufruit avec vos copartageants actuels, et vos enfants seront en indivision sur la nue-propriété avec ces derniers. Sinon, tous seront en indivision sur la pleine propriété (à moins qu'il existe déjà une indivision sur l'usufruit dans la situation actuelle).

Posté le Le 23/09/2023 à 06:11
Bonjour Isadore, bonjour Rambotte,

Merci à tous les deux, les choses s’éclaircissent pour moi.

Je précise : nous avons fait une donation entre époux.

Je vais essayer d’être le plus concret possible, plaçons dans l’hypothèse suivante :

- Je décède en 2025
- La justice a ordonné la liquidation partage de la succession de mon Papa en 2024 avec au préalable la réalisation/vente de tous les biens immobiliers de sorte à permettre la distribution aux héritiers de leurs parts respectives.
- En 2026, un an après mon décès, le notaire mandaté par le tribunal est en mesure d’effectuer cette distribution : ma part est de 300 000 €, mes héritiers sont mes 3 enfants et mon épouse, alors âgée de 56 ans.

Sauf erreur de ma part, dans cette situation, si un partage était effectué mon épouse pourrait recevoir 1/4 en pleine propriété soit 75 000 € et 3/4 en usufruit soit 50% de 125 000 € = 62 5000 €. Total 137 500 €.

Converti en rente mensuelle de 1 000 € cela équivaudrait (hors intérêt pour faire simple) à 137 mensualités soit environ 11,5 années de revenus, donc jusqu’à sa 67 ème année.

En revanche les fruits de ce capital (300 000 €), dans l’hypothèse d’un placement prudent à 4% net, s’élèveraient à 12000 €/an, soit 1000 €/mois.

Donc dans le premier cas mon épouse peut imaginer recevoir 1000 €/mois pendant 11,5 années, et dans l’autre la même somme ... à vie !

Il est clair pour moi qu’elle n’aura pas intérêt à opter pour le partage.

Évidemment le choix ne m’appartient pas mais ce que je voudrais c’est m’assurer que ELLE, elle l’aura..

S’il faut formaliser tout cela par testament chez un notaire je le ferai bien évidemment.

Voilà
Bon dimanche et merci encore pour vos lumières
Bien cordialement
J.E.H.

Posté le Le 23/09/2023 à 06:53
Une remarque : 3/4 de 300000, ça fait 225000.

Nous supposons que la justice a ordonné l'adjudication de tous les biens ?
Les valeurs des parts respectives dépendent du résultat obtenu lors de l'adjudication. Ce ne sont pas les valeurs estimées selon le marché, si votre partage successoral avait été amiable.

Un prix de vente d'un bien démembré, même aux enchères, se partage au prorata de la valeur des droits (en capital), sauf accord des parties (des héritiers nus-propriétaires) de reporter l'usufruit sur le prix (621). Comme ce sont des enfants issus d'une précédente union, on doute qu'ils acceptent le report de l'usufruit sur le prix. Bref, elle n'aura pas le choix, chacun recevra une somme d'argent dont il sera plein propriétaire, et en fera ce qu'il voudra. Sur la base de 300000, valeur de votre part supposée récupérée après adjudication, cela fait quand même 187500, si barème fiscal.

Sachant que pour un usufruit issu d'une libéralité, les nus-propriétaires peuvent s'opposer au quasi-usufruit, en exigeant qu'il soit fait emploi des sommes (1094-3). Ceci dans l'hypothèse où vous ne décédez pas et que vous récupérez votre part issue des adjudications, puis décès après : les sommes dépendent de votre succession.

Enfin, le barème fiscale (50%) n'a pas valeur légale en matière de partage d'un prix de vente. Il n'a valeur légale qu'en matière fiscale, dans certains cas. Il peut être utilisé par facilité, mais en cas de désaccord, c'est le barème économique qui doit être utilisé, dépendant de l'espérance de vie* de l'usufruitier. Mais il est plus délicat à manier (notion de taux de rendement).

* Plus que de l'âge lui-même : s'il est acquis que l'usufruiter a une grave maladie, il a beau avoir 60 ans, son espérance de vie peut être très inférieure à celle générale d'une personne de 60 ans.

Posté le Le 25/09/2023 à 03:54
Bonjour Rambotte, et une nouvelle fois merci pour tous ces éléments d'éclaircissement.

Sachant qu'assez rapidement après mon décès (3 mois ?) mon épouse, conjoint survivant, devra exprimer son choix en matière d'exercice de ses droits dans le cadre de la donation entre époux ...
Citation :
La donation entre époux est alors particulièrement intéressante car elle lui permettra soit de recueillir des droits en propriété plus étendus, soit d'exercer un usufruit sur la totalité de la succession, soit encore de mélanger propriété et usufruit.
.. je ne comprends pas que des dispositions différentes à son choix puissent s'appliquer à la fraction de mon patrimoine dont j'ai hérité mais qui se trouve fortuitement non encore disponible du fait d'une instance judiciaire en cours.

Bon début de semaine
Bien cordialement
J.E.H.

Posté le Le 25/09/2023 à 04:52
Bonjour,

Votre épouse aura dix ans pour choisir, sauf si un des héritiers la somme par écrit de faire son choix, sans quoi elle devra opter dans les trois mois.

La portion d'héritage en question est "disponible". Elle est dans votre patrimoine. Si elle génère des revenus, votre épouse usufruitier aurait sa part.

Si en pratique elle semble bloquée, ce n'est pas à cause de la procédure mais de l'incapacité des indivisaires à s'entendre. Il n'y a aucun obstacle légal à la jouissance et au partage des biens.

Votre épouse et vos enfants, s'ils héritent de votre part indivise auront comme vous la possibilité de trouver un accord avec les autres indivisaires (pour procéder au partage ou sortir de l'indivision).

__________________________
Modératrice

Posté le Le 25/09/2023 à 05:17
La durée de 10 ans, et la sommation avec un délai de deux mois ne concernent que l'option au sens accepter ou renoncer à une vocation successorale.
Une fois cette acceptation acquise, il n'existe aucun délai légal pour l'option dans une donation entre époux. C'est si vrai que si un conjoint survivant décède sans avoir opté dans la donation, l'option est transmise à ses héritiers.

Qu'entendez-vous par "des dispositions différentes à son choix" "s'appliquent à la fraction du patrimoine dont j'ai hérité" ?

Nous avons fait précédemment l'hypothèse que votre époux a fait son choix dans la donation entre époux.
Tant que votre époux n'aura pas exprimé son choix, votre part du montant de l'adjudication ne pourra pas être partagé entre les ayants-droit (instance judiciaire qui se termine après votre décès).

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