Protection de la personne

Maître,

Je me permets de soumettre à votre avis mon cas qui est le suivant :

Âgée de 90 ans, je vis depuis longtemps avec mon compagnon de 75 ans avec lequel j’ai conclu un PACS en 2017.

Mes enfants (63 et 60 ans) envisagent de me faire signer un mandat en vue de ma protection au cas où mes facultés m’empêcheraient un jour d’exprimer ma volonté, mandat dont les mandataires seraient eux-mêmes et mon compagnon.

Ce dernier, qui ne prétend à aucun droit particulier, est cependant rétif à accepter un mandat conjoint qui, selon les termes du document qui nous été proposé, permettrait à un quelconque mandataire d’agir indépendamment des autres.
Il craint que cette clause ne soit source de conflit potentiel dont je serais la victime.

D’autre part, le mariage avec mon compagnon serait-il capable de m’assurer une protection comparable ?

Je vous remercie à l’avance pour votre avis et vous prie d’agréer, Maître, l’expression de mes respectueuses salutations.

Anonymisé par l'administrateur

Bonjour,

D’autre part, le mariage avec mon compagnon serait-il capable de m’assurer une protection comparable ?
Pas exactement. L'époux est de droit le tuteur de son conjoint, sauf s'il y a une raison qui empêche de lui confier la tutelle :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006428218/1968-11-01

La loi stipule également que le partenaire de PACS ou l'époux est prioritaire pour devenir le tuteur ou le curateur.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020628295

Et ce sauf si la personne protégée a désigné une autre personne par le biais d'un mandat de protection future.

Les réticences de votre partenaire sont fondées. Trois personnes dotées des mêmes pouvoirs risquent de se marcher sur les pieds. De même une gestion collégiale serait problématique : en cas de conflit la situation serait bloquée.

Un mandat de protection future sert à organiser votre potentielle future protection si vous deveniez incapable de gérer vos biens ou de prendre seule des décisions. La personne devra vous assister, et peut-être même prendre à votre place les décisions concernant votre logement, la gestion de vos biens et même les soins que vous recevrez.

Je vous conseille de discuter seule avec votre notaire de ce que cela implique.

Dans la plupart des cas, le juge désigne un tuteur ou curateur, parfois deux.

Il vaut mieux faire simple. Vous ne signez pas un truc pour faire plaisir à votre famille mais décider qui gèrera vos intérêts si vous ne serez plus en mesure de le faire.

Vous devez également désigner une ou plusieurs personnes chargées de contrôler l'exécution du mandat.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006427855

On peut imaginer que votre partenaire sera désigné, et vos enfants chargés du contrôle. Vous pouvez aussi désigner votre partenaire par défaut, et un de vos enfants pour le remplacer si un jour il ne peut plus assumer ce rôle. Si vous désignez plusieurs mandataires, définissez des rôles précis (par exemple un mandataire aux biens et un autre à la personne).

Il faut avoir en tête les éléments suivants :
- le mandat de protection future s'imposera de droit, et le juge des tutelles ne pourra passer outre sans grave motif
- si vous décidez de choses qui ne marchent pas, vous en assumerez les conséquences jusqu'à ce que quelqu'un se décide à saisir le juge des tutelles pour faire révoquer le mandat
- si le juge des tutelles doit révoquer le mandat, vous serez très probablement placée sous la protection d'un professionnel.

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Modératrice

Maître,

Je vous remercie pour votre réponse si prompte et surtout si étayée.

Avec mes respects,

Anonymisé par l'administrateur

Maître,

J’envisage le plus simple : j’instaure mon compagnon mandataire unique.
Si pour une raison ou une autre (décès, maladie …) il vient à faire défection, est-il préférable, au vu de votre expérience, qu’un de mes enfants lui soit alors substitué ou une personne désignée par le juge (je ne connais personne) ?

Avec mes remerciements renouvelés,

Anonymisé par l'administrateur

Bonjour,

Je vous précise que comme la plupart des intervenants sur ce forum je ne suis pas avocate.

Il n'est pas possible de répondre à votre question sans connaître votre famille. La loi stipule que dans la mesure du possible les proches sont privilégiés quand il s'agit de choisir un tuteur ou un curateur.

Mais cela dépend de la confiance que vous avez en la capacité de votre enfant à assumer ce rôle (ce qui n'a rien à voir avec la confiance que vous pouvez avoir en lui). Dans une famille unie, les gens sont proches les uns des autres, se connaissent bien, sont attentifs à leur bien-être. Ils peuvent aussi être plus disponibles que les professionnels.

Le principal danger est lié à l'épuisement moral et à la difficulté de prendre certaines décisions quand on est un proche. Il y a souvent des gens maintenus à domicile en dépit du bon sens, qui sont victimes de formes de maltraitances involontaires par leurs proches terrifiés à l'idée de les placer dans un établissement adapté où pourtant la personne protégée aurait accès à des soins et des activités adaptées.

Donc choisir un de vos enfants fait sens si vous pensez qu'il en est capable... et qu'il est d'accord. Vous pouvez laisser une lettre pour accompagner le mandat qui exprimera vos souhaits en cas d'altération de vos facultés cognitives (privilégier le maintien à domicile, choix d'un EHPAD...). L'idée n'est pas de donner des consignes juridiquement contraignantes mais d'aller le poids moral si vos proches doivent prendre des décisions difficiles.

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Modératrice

Maître,

Merci encore pour ces précieuses considérations.

Il est vrai que l'on a plutôt tendance à fustiger les familles qui placent précipitamment leurs aînés en EHPAD.

Est-il possible de désigner une personne (en l'occurrence mon compagnon) comme mandataire et une autre (en l'occurrence mon fils ou ma fille) comme remplaçant du premier en cas de défaut (décès, maladie, ...) ?

Votre dernier paragraphe semble indiquer que les voeux exprimés avant le naufrage mental (s'agissant de moi-même, je ne me sens pas tenue aux euphémismes) ne sont pas contraignants.
En est-il de même pour les dispositions concernant les obsèques, par exemple, voire le testament ?

Avec mes remerciements et mes respects;

Bonjour MichelleMarie,

Une parenthèse au fil des échanges :
Vous êtes ici sur un forum public.
Tout un chacun peut lire tout ce que vous écrivez.
Évitez de signer vos messages de votre nom.
Fermeture de la parenthèse.
Bien à vous.
Alisier.

Est-il possible de désigner une personne (en l'occurrence mon compagnon) comme mandataire et une autre (en l'occurrence mon fils ou ma fille) comme remplaçant du premier en cas de défaut (décès, maladie, ...) ?
Oui, il est possible de faire à peu près ce que vous voulez.

Votre dernier paragraphe semble indiquer que les voeux exprimés avant le naufrage mental (s'agissant de moi-même, je ne me sens pas tenue aux euphémismes) ne sont pas contraignants.
Non, ils ne sont pas contraignants. Ils servent simplement d'indication si la personne n'est plus capable d'exprimer son avis. Même après un "naufrage mental" la personne peut rester capable d'exprimer des souhaits, et dans ce cas ils prennent le pas sur ses voeux antérieurs. La loi garantit à la personne capable d'un minimum de lucidité le droit de faire des choix : lieux de résidence, choix de ses relations personnelles, possibilité de refuser des soins.

Ce qui est contraignant, c'est le contenu du mandat, à condition qu'il ne contrevienne pas à la loi.

Un exemple :
- si vous mettez dans le mandat une instruction concernant le fait qu'on devra vous choisir un EHPAD autorisant les animaux de compagnie, ce sera contraignant
- si vous mettez dans le mandat une instruction disant qu'on devra s'asseoir sur votre avis pour choisir votre EHPAD ou vous administrer des soins, elle ne sera pas applicable car vous ne pouvez pas vous déposser de ces droits. Quoi que vous ayez écrit dans le mandat, votre avis devra être pris en compte si vous pouvez l'exprimer.

En est-il de même pour les dispositions concernant les obsèques, par exemple, voire le testament ?
Non, ça c'est contraignant, tant que c'est légalement possible. C'est même un délit d'organiser des obsèques contraires au souhait du défunt (sauf s'ils sont impossibles à respecter).

Un testament est un mauvais support pour organiser ses obsèques, car il n'est ouvert que quand un notaire est chargé de traiter la succession, généralement bien après le décès.

Ou alors il faut donner des copies de ce testament à ses proches.

Pour exprimer ses souhaits concernant ses obsèques, une simple lettre données en plusieurs exemplaires aux proches suffit. Vous pouvez aussi donner vos instructions à une entreprise de pompes funèbres si vous avez souscrit un contrat avec elle.

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Modératrice

Maître,

Je vous remercie pour tous ces avis qui vont me permettre d'envisager un mandat de protection future plus conforme à mes voeux et à mes intérêts.
Il serait certainement abusif que je vous en soumisse le texte. Et pourtant le texte soumis par mon notaire a suscité les réticences que je vous ai exposées.

Avec mes remerciements renouvelés, je vous prie d'agréer, Maître, mes respectueuses salutations.

MichelleMarie

Bonjour

je me permets d'ajouter que le juge désigne généralement une voire deux personnes en cotutelle, une pour la protection des biens, une autre pour la protection de la personne, rarement au delà et la cohabitation des deux personnes désignées est souvent compliquée

mais la formule que vous proposez est probablement entendable pour le juge si ce n'est la proximité d'âge avec votre compagnon qui risque de le rendre potentiellement et relativement rapidement dans l'incapacité de remplir son mandat mais tout dépend de son état de santé au moment venu