Quasi-usufruit et double imposition Quasi-systématique

> Fiscalité > Patrimoine > Successions

Posté le Le 24/05/2025 à 08:58
Bonjour,

après avoir fouillé les quelques (rares) pages du web traitant de la possibilité de mettre au passif successoral la dette de restitution découlant d'un quasi-usufruit sur des liquidités (comptes bancaires, livrets,...), je ne parviens toujours pas à me faire une idée claire de la situation.

Le tout récent (décembre 23) article 774bis du CGI, rédigé dans le but de mettre fin aux abus fiscaux sur les démembrements portant sur des liquidités, dit, en substance :
Aucune dette d'un usufruit sur des sommes d'argent(=quasi-usufruit) n'est déductible de l'actif successoral...
...sauf
1-si la dette découle de la cession d'un bien démembré
2-si le quasi-usufruit résulte de l'art. 757 du code civil
3-si le quasi-usufruit résulte de l'art. 1094-1 du code civil
L'article 1094-1 dit (toujours en substance) :
L'époux peut donner à l'autre époux 1/4 de ses biens en pleine propriété et les 3/4 restant en usufruit.

Mes parents, comme l'immense majorité des couples de leur génération, avait rédigé une "donation au dernier vivant". Au décès de mon père, ma mère a opté pour le 1/4 en pleine propriété et les 3/4 en usufruit.
Ma mère vient de décéder, et je pensais naïvement :
-option de la donation au dernier vivant = art. 1094-1
-donc, exception n°3 de l'art. 774bis
-donc, dette de restitution (des sommes liquides dont ma mère possédait le quasi-usufruit) déductibles de l'actif successoral.

Et bien non !!
Je serai donc imposé 2 fois sur les mêmes sommes (je l'ai été en recevant la nue-propriété au décès de mon père, et je vais prochainement l'être sur la pleine propriété avec le décès de ma mère).

J'ai lu attentivement les interventions de Rambotte sur ce forum, à propos de sujets similaires.
Il semble que la simple présentation de la déclaration de succession de mon père montrant les sommes soumises à usufruit est insuffisante pour le fisc. Il faut une preuve (?!?) de la dette de restitution. La signature d'une "convention de quasi-usufruit", au moment du décès de mon père aurait pu constituer une preuve (mais personne à l'époque ne nous a alerté sur ce point).

J'en viens à mes questionnements (pardon pour l'introduction un peu longue...).
Ai-je bien "à-peu-près" compris la situation ? Ou me manque-t-il encore des "subtilités" qui fausseraient mon raisonnement ?
Sans convention de quasi-usufruit, ai-je d'autres leviers possibles (et simples) à ma disposition pour espérer placer cette dette au passif successoral de ma mère ?
Plus globalement (car ma situation est tout ce qu'il y a de plus commun, puisque l'usufruit est choisi presque systématiquement par le survivant dans les couples de la génération de mes parents), pourquoi les notaires ne proposent-ils pas SYSTEMATIQUEMENT la signature d'une convention au premier décès ? (j'ai interrogé tout mon entourage proche ayant connu le décès d'un parent cette dernière décennie, et aucun d'entre eux n'a été conseillé en ce sens par son notaire...)
Pourquoi ce thème (touchant pourtant presque tous les enfants au décès de leur deuxième parent) n'est-il jamais abordé dans les magazines juridico-fiscaux grand public de vulgarisation ? (je suis moi-même abonné à certains d'entre eux et je n'ai jamais vu aucun article traitant de ce sujet, alors qu'on nous ressasse à longueur d'année les mêmes antiennes sur "comment optimiser vos réductions d'impôts" ou "comment bien préparer sa succession"...).

Merci.

Poser une question Ajouter un message - répondre
Posté le Le 24/05/2025 à 09:44
Bonjour.

Il est vrai que je ne suis pas certain des implications du nouvel article du CGI.
Le "eh bien non" vient de votre notaire ou de l'administration fiscale ?
La lecture de cet article laisserait penser que cette dette de restitution est désormais déductible au passif de la succession de l'usufruitier.

Il faudrait plonger dans le dossier législatif de la loi ayant créé cet article pour comprendre les motivations du législateur. Normalement, dans les rapports à la commission des lois, on trouve souvent pourquoi telle modification est proposée.

Personnellement, plutôt que la convention de quasi-usufruit, je pense que les héritiers devraient utilise l'article 1094-3, qui empêche le quasi-usufruit (emploi des sommes), ou alors, à l'amiable, procéder au partage des sommes au prorata des droits, chacun devenant plein propriétaire d'une fraction des sommes.

Posté le Le 24/05/2025 à 11:27
Effectivement, le "eh bien non" vient du notaire.

Voici la première réponse du notaire lorsque j'ai mis le sujet sur la table :
"Le quasi-usufruit légal est celui qui s’applique lorsqu’un conjoint hérite de l’usufruit des biens en vertu de la loi (article 757 du Code civil). Le quasi-usufruit conventionnel est celui que le conjoint a lorsqu’il a été gratifié par testament ou donation entre époux. Tout dépend de l’option successorale prise par le conjoint survivant.

La doctrine administrative a effectivement évolué en la matière. Auparavant aucune convention de quasi-usufruit n’était établie, et l’administration fiscale admettait en passif de succession, que soit portée la valeur des actifs liquides restés sous l’usufruit du conjoint survivant. C’est probablement pourquoi le notaire qui a réglé la succession à l’époque de votre père, n’en n’avait pas parlé.

Pourriez-vous m’adresser la copie de la déclaration de succession qui avait en son temps été dressée ? Je pourrai ainsi vérifier comment l’option successorale a été exercée et vous dire si nous pourrons déduire quelque chose."

J'ai fourni la déclaration.
Sans réponse après 2 semaines, j'ai relancé.
Voici la deuxième réponse (et fin de non recevoir...) du notaire :
"C’est bien une option faite selon la donation entre époux, rien ne pourra être déduit au titre du quasi-usufruit.
Bien cordialement."


Tout cela me laisse dubitatif...

Posté le Le 24/05/2025 à 11:43
Citation :
Auparavant aucune convention de quasi-usufruit n’était établie, et l’administration fiscale admettait en passif de succession, que soit portée la valeur des actifs liquides restés sous l’usufruit du conjoint survivant.

J'ai l'impression qu'il prétend qu'auparavant, il était inutile d'avoir une convention de quasi-usufruit, car l'administration admettait de toute façon au passif les sommes soumises à usufruit.
Ce qui veut dire qu'auparavant, il n'y avait aucun problème de double imposition, que ce sujet n'existait même pas !
Ne fait-il pas justement une inversion entre avant et après ?

Citation :
Tout cela me laisse dubitatif…

Il me semble qu'il y a de quoi.
Il y des personnes plus impliquées sur les aspects fiscaux sur ce forum.

Cela vaudrait vraiment le coup d'explorer en détail de dossier législatif à l'Assemblée Nationale et au Sénat, pour voir ce qui s'est dit en débat au sujet de l'article 26 de la loi ayant créé le 774 bis CGI.

Posté le Le 24/05/2025 à 17:08
En cherchant le dossier législatif, je suis tombé sur le BOFIP suivant :
http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3340-PGP.html/identifiant%3DBOI-ENR-DMTG-10-40-20-20-20240926

Le commentaire n°270 me semble plus que clair...
"Les dispositions du second alinéa du I de l’article 774 bis du CGI ne remettent pas en cause la déductibilité de la dette de restitution portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit en exerçant le choix qu’il tenait de la loi en qualité de conjoint survivant, en application de l’article 757 du C. civ. ou d’une disposition entre époux prévue par l’article 1094-1 du C. civ., mais aussi en exerçant un avantage matrimonial ou un préciput (C. civ., art. 1515) convenu dans le contrat de mariage."

Est-ce qu'il serait inconvenant de ma part de demander à mon notaire de lire ce BOFIP ?
Ne vais-je pas me faire "remettre à ma place" par un commentaire du style "mais Monsieur, vous n'allez pas m'apprendre mon métier simplement parce que vous avez parcouru deux sites web..." ??
Je ne comprends pas pourquoi ce sujet, pourtant simple et courant (comme je le soulignais dans mon 1er post), ne fait pas consensus dans tous les offices notariaux...et oblige les gens comme moi à devoir argumenter face à leur notaire.

Encore une fois, peut-être que quelque chose m'échappe (et qu'en lisant le BOFIP, je prends mes désirs pour des réalités) ??

Posté le Le 24/05/2025 à 18:01
La question n'est pas celle de la déductibilité, mais à mon avis celle des conditions et des preuves pour que cette déductibilité soit possible. Avant et après ce nouvel article.

La déclaration de succession mentionnant dans l'actif des sommes d'argent, et mentionnant l'usufruit légal (757) ou issu d'une libéralité (1094-1) ne prouve en rien que les parties ont choisi que l'usufruit sera exercé sous la forme du quasi-usufruit.

Si la somme d'argent a été partagée, chacun en recevant une partie, ou si l'argent a été placé (1094-3) sur un produit financier démembré, vous ne pouvez bien entendu pas déduire une dette de quasi-usufruit qui n'existe pas. Produire la déclaration de succession montrant l'usufruit n'est donc pas suffisant (le partage ou l'emploi sont postérieurs à la déclaration de succession).

Si une question est à poser, ce serait plutôt à l'administration fiscale.

Posté le Le 25/05/2025 à 15:26
Bonjour ChrisHDS et bienvenue

Vous avez effectivement trouvé la bonne réponse.

Il ne faut pas assimiler le Quasi-usufruit d'origine successorale légale et le Q-U issu d'une donation entre vif avec réserve d'usufruit.

L'article 774 bis du CGI vise principalement les quasi-usufruits conventionnels constitués dans un but d'optimisation fiscale, mais ne vise pas les quasi-usufruits d'origine successorale légale (quand le conjoint survivant opte pour l'usufruit de la totalité des biens de la succession en présence d'enfants communs, en application de l'article 757 du Code civil ou qu'il exerce en vertu d'une donation entre époux).

__________________________
Marck ESP, Administrateur
Après un séjour-randos au Népal, je trouve au monde une autre saveur et une conviction plus forte sur la nécessité d'une communication empathique et courtoise. (°_°)

Posté le Le 25/05/2025 à 15:35
Je vous ajoute un peu de lecture d'un site de confiance fondé par le meilleur professeur que je n'ai jamais eu?

https://www.aurep.com/publications-et-agenda/quasi-usufruit-et-dette-de-restitution/

https://www.aurep.com/publications-et-agenda/quasi-usufruit-dette-de-restitution-et-article-774-bis-du-cgi/

https://www.aurep.com/publications-et-agenda/article-774-bis-du-cgi-commentaires-administratifs-et-cas-pratique-chiffre/

__________________________
Marck ESP, Administrateur
Après un séjour-randos au Népal, je trouve au monde une autre saveur et une conviction plus forte sur la nécessité d'une communication empathique et courtoise. (°_°)

Ajouter un message - répondre

PAGE : [ 1 ]


pub devis