Citation :
Bonjour, si l’on fait une offre d’achat au prix du vendeur et que l’on est le premier à l’avoir faite, est-il dans l’obligation de l’accepter par rapport aux offres faites aprés ?
Si oui, pouvez vous m’envoyer le lien de l’article de loi, je n’arrive pas à le trouver
L’article de loi sur lequel vous pourriez tenter de revendiquer que la vente a été conclue du simple fait que vous êtes la première à avoir présenté une offre ferme au prix annoncé est l’article 1583 du code civil :
Elle [la vente]
est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Cela pourrait fonctionner mais à deux conditions :
1. que l’offre de l’acheteur ne soit assortie d’aucune condition suspensive ni de clauses dérogatoires aux dispositions supplétives du code civil ;
2. que l’offre faite au public, celle du vendeur, ait la même valeur qu’une offre qu’il vous aurait présentée à vous personnellement.
Si ces deux conditions sont réunies, alors on peut suivre Me Louise Barbigant cité par Janus. Mais, attention, tous les avocats ne disent pas la même chose. D’autres avocats ne sont pas du même avis. Par exemple Me Dominique Ducourtioux qui s’exprime sur :
https://www.village-justice.com/articles/portee-annonce-vente-bien-immobilier,25368.html :
l’annonce de vendre une maison par voie de presse ou sur un site internet ne peut avoir la même portée que l’annonce de vendre un véhicule d’occasion.
Me Ducourtioux se repose sur un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 12 juin 2014, n° 13/06003, publié sur le site legifrance, qui n’est pas passé inaperçu dans le monde des professionnels :
Considérant que si l'offre faite au public lie le pollicitant à l'égard du premier acceptant dans les mêmes conditions que l'offre faite à personne déterminée, il en est différemment en matière de vente d'un bien immobilier s'agissant d'une opération complexe ; qu'en cette matière, une offre au public est par nature large et ouverte afin de permettre à de futurs contractants de discuter du contenu du contrat, et s'analyse par conséquent comme une invitation à entrer en pourparlers ; qu'en l'espèce l'offre faite au public par M Patrice Y... ayant pour objet la vente d'un bien immobilier, cette offre s'analyse ainsi en une invitation à entrer en pourparlers.
Il est curieux que Me Barbigant n’en fasse pas mention dans son article rédigé en 2021 qui ne mentionne que deux arrêts de la cour de cassation de 1968 et de 1998.
Reprenons les deux conditions indispensables pour donner raison à Me Ducourtioux.
1. Absence de conditions suspensives et de dérogations au code civil.
Cela suppose que vous n’ayez pas à recourir à un emprunt et que vous soyez immédiatement en mesure de déposer sur un compte séquestre l’intégralité du prix de la vente. Immédiatement, c’est réellement immédiatement, c’est à dire moins d’une semaine, le temps de trouver un organisme financier pouvant séquestrer la somme. Les notaires et les agents immobiliers peuvent aussi le faire. Si vous n’avez pas la somme, s’il vous faut quelques jours de plus pour la réunir, le vendeur peut déclarer que la vente est nulle pour défaut de paiement du prix.
C’est très exigeant et en pratique assez rarement possible. C’est aussi assez risqué pour le vendeur parce qu’il doit alors la garantie des vices cachés dont les vendeurs s’exonèrent systématiquement.
Dans de telles conditions, on peut d’ailleurs se demander quel intérêt il y aurait à passer par l’avant-contrat traditionnel, le compromis. On pourrait tout aussi bien aller directement chez le notaire pour l’acte authentique. C’est ce que font parfois les professionnels.
2. Validité de l’offre faite au public.
La vente d’un bien immobilier, surtout un appartement en copropriété, est une opération complexe qui permet difficilement de considérer que la simple acceptation par l’acheteur de l’offre faite au public puisse suffire. Plusieurs questions se posent.
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quelles étaient réellement les intentions des parties ?
Le vendeur avait-il réellement l’intention de vendre au premier venu sans rien négocier, sans s’assurer du sérieux de l’acheteur, de sa solvabilité ?
Le vendeur était-il réellement disposé à assumer la garantie des vices cachés et non seulement de vendre en l’état comme c’est l’usage ?
Or le code civil dispose (article 1188) :
Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
Si telles n’étaient pas réellement les intentions du vendeur, l’offre faite au public doit s’interpréter comme une invitation à entrer en pourparlers.
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l’annonce faite au public contient-elle les éléments essentiels du contrat ?
Outre le problème du financement, pour un appartement en copropriété, c’est loin d’être évident vu les multiples informations que doit donner le vendeur à l’acheteur, qui sont loin d’être anodines, par exemple en ce qui concerne la gestion et l’état financier de la copropriété.
Pour toutes ces raisons, l’article de Me Barbigant est déconnecté de la réalité. La personne qui prétendrait forcer la vente pour le simple motif qu’elle a la première exprimé sa volonté d’acheter aurait les plus grandes chances d’être déboutée par le tribunal et cela lui coûterait cher.