Point de départ de la prescription quinquennale
> Justice
Posté le Le 13/04/2025 à 13:04
Bonjour,
Quelqu'un pourrait-il apporter réponse au problème suivant SVP? J'ai des avis contrariants entre 2 juristes (qui répondent B) et un avocat (qui répond A). Merci d'avance.
Soient X et Y deux personnes, A et B deux dates telles que B > A, et F un ensemble de faits.
A la date A, X a connaissance de F mais ne peut pas agir contre Y, car dépourvu de droit de le faire. A la date B, X acquiert le droit d'agir contre Y sur la base des faits F. La prescription extinctive quinquennale du droit de X d'agir contre Y court-elle à compter de A, de B, ou d'une autre date encore ?
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006118187/#LEGISCTA000019017130

 

Posté le Le 13/04/2025 à 13:31
Bonjour
Si vous avez établi la problématique comme celà , il est normal d’avoir des réponses contraires .
Sans savoir ce qui est prescrit, ce qui a fait que X ne pouvait pas saisi Y , toute réponse tient de la divination .
Un délai de prescription cela s’interrompt et se suspend selon, justement, un ensemble de faits et d'actes .
Posté le Le 13/04/2025 à 13:40
Bonjour,
C'est curieux de voir à parfois quel point les juristes détestent qu'on formalise les choses..
Le problème est pourtant simple : une prescription quinquennale peut-elle débuter avant que celui qui a le droit d'agir acquiert son droit?
Il n'y a aucune dépendance ni ce qui est prescrit, ni à qui est concerné. La question porte sur la lecture du 2219 C.Civ,
"La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. "
dont je comprends qu'il sanctionne celui qui dispose de *tout* ce qu'il faut pour agir à partir du moment où ne le fait pas. Tout = la connaissance + le droit.
Posté le Le 13/04/2025 à 13:50
C'est curieux de poser une question , et de ne pas comprendre la réponse .
La justice ne se borne pas à un texte , d'ou 3 instances possible pour les interpréter .
Je vais vous donner un exemple : un créancier peut ne pas avoir le droit d'agir s' il y a un dossier de surendettement de posé . Le dossier de surendettement suspend le délai de prescription,comme le fait d'être mariés suspend la prescription des créances, donc qu’importe si cela fait plus de 5 ans .
Par de là si le créancier est en droit d'agir vous le saurez vite .
Posté le Le 13/04/2025 à 13:58
Mais je ne parle pas de suspension, je parle de *point de départ*.
Oui ou non le C.Civ 2219 empêche t'il que ce point de départ se trouve *avant* que quelqu'un ait un droit d'agir ?
Posté le Le 13/04/2025 à 14:04
Non, pas forcément .
Posté le Le 13/04/2025 à 14:07
Ah. Donc, selon vous, la loi sanctionne dans le passé celui qui n'a jamais pu agir ?
Posté le Le 13/04/2025 à 14:45
Bonjour,
Ce n’est pas tant qu’on déteste formaliser, c’est que très souvent la tentative de formalisation est mauvaise.
La réponse à votre question est simple. Le délai de prescription commence à la date de naissance du droit et ce droit s’éteint à la fin du délai de prescription. Le point de départ du délai de prescription est donc la date B.
Mais votre chronologie est bizarre. Généralement c’est le fait qui donne un droit et ce droit doit être exercé dans le délai de prescription à l’expiration duquel il s’éteint. C’est ce qui résulte de l’article 2224 du code civil : Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Si le fait n’est connu qu’à une date postérieure, le point de départ du délai de prescription est reporté à la date à laquelle le fait est connu.
Votre hypothèse d’un droit qui naît postérieurement à un fait est bizarre. Etes-vous sûr d’avoir bien formalisé ? Pensez-vous à une situation concrète ?
La recherche d’une solution en droit doit suivre le processus suivant :
- exposé des faits,
- qualification des faits,
- application du droit.
Exemple
Les faits : J’ai acheté une maison qui m’a semblé en bon état et dont le vendeur ne m’a signalé aucun défaut. Je m’aperçois par la suite que la toiture fuit.
Qualification : vice caché
Droit applicable : garantie due par le vendeur, droit à appeler le vendeur en garantie dans les deux ans à compter de la découverte du vice.
Enoncé ainsi, c’est très simple mais
- les faits sont-ils exactement relatés ?
- la qualification peut se discuter : l’état défectueux de la toiture n’était-il pas visible lors de l’achat ?
Posté le Le 13/04/2025 à 15:01
Bonjour Nihilscio,
Ma formalisation est sans erreur.
L'instanciation du problème est : X = moi, Y = un syndicat de copropriétaire, A = mars 2019, B = maintenant, les faits F = un ensemble de désordres affectant la copropriété.
Je suis au courant de F depuis A - je ne vais certainement pas dire le contraire, j'ai moi-même relayé ces faits, et F m'aurait permis d'assigner le syndicat en responsabilité à cette époque si j'avais été copropriétaire. Sauf que je n'ai jamais été copropriétaire dans ce syndicat.
Or, j'envisage d'acquérir un logement dans cette copropriété à la date B, dont je sais qu'elle présente des désordres dans les parties communes (les faits F).
Pour autant, suis-je prescrit d'agir contre le syndicat en le forçant à s'exécuter sur la base de faits F pour que soit conservé l'immeuble (article 14 de la loi 65-557)?
Ma réponse est : non, au visa du C.Civ 2219, car sa lecture est sans appel : "La prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps."
Pour qu'il y ait *inaction*, encore faut-il qu'il y ait eu possibilité d'agir. Ce qui n'est pas mon cas. Donc la prescription quinquennale court à partir de la date B, et non A, nous sommes manifestement bien d'accord sur ce point.
Posté le Le 13/04/2025 à 20:08
Votre "formalisation" est erronée.
Selon l’article 9, les copropriétaires jouissent librement des parties communes. C’est lié à leur droit de propriété lequel est imprescriptible. Les copropriétaires peuvent sans limite de temps exiger que le nécessaire soit fait pour une bonne conservation de l’immeuble. S’il en était autrement, se créerait un droit pour le syndicat à ce que l’immeuble finisse par tomber en ruine. Le droit pour tout copropriétaire de mettre fin à des désordres incompatibles avec la destination de l'immeuble est imprescriptible.
Arrêt en ce sens :
Cass . Civ.3 01/07/2014 n° 12-21.485 portant sur une action en démolition de poteaux électriques empiétant sur la propriété voisine.
En revanche le droit à réparation des dégâts causés par des désordres affectant les parties communes est prescriptible.
Exemple
Des infiltrations en façade tendent à rendre un logement inhabitable. Le copropriétaire qui les subit est en droit à ce que l'étanchéité de la façade soit restaurée, même si les infiltrations sont très anciennes. Mais son droit à réparation des dégâts causés dans l'appartement par les infiltrations se prescrit par cinq ans.
Posté le Le 13/04/2025 à 20:25
Mais qui a parlé de réparation des dégâts causés par des désordres affectant les parties communes ? Pas moi.
Je veux juste que les dégradations s'arrêtent. C'est tout.
Et quand bien même ce droit serait prescriptible, et prescrit par 5 ans, ce n'était toujours pas l'objectif de ma question, dont je ne dévierai pas d'un iota :
- vu les articles 2219 et 2224 du code civil, oui ou non le point de départ d'une prescription quinquennale peut-il se situer *avant* que le titulaire acquiert son droit ?
- ou, ce qui revient au même, le 2224 peut-il sanctionner le titulaire du droit rétroactivement ?
C'est très, très simple, et indépendant de tout cas d'espèce.
Posté le Le 13/04/2025 à 20:53
Citation :
le 2224 peut-il sanctionner le titulaire du droit rétroactivement ?
Non s’il s’agit d’un droit personnel.
Oui s’il s’agit d’un droit réel.
Le droit d'un copropriétaire à une bonne conservation des parties communes de l'immeuble est un droit réel.
Posté le Le 13/04/2025 à 21:18
Et sauf erreur, le 2224 C.Civ est inapplicable aux droits réels !
Le 2224 vise justement les actions personnelles et mobilières. Dont vous dites que le titulaire du droit d'agir ne peut pas être sanctionné rétroactivement,ce que je pensais aussi. Donc le problème est clos : c'est bien la date B qui doit être retenue en cas de prescription quinquennale, et le problème est clos.
Posté le Le 13/04/2025 à 21:22
Une action mobilière est une action réelle.
Posté le Le 13/04/2025 à 21:46
Ah? Alors là , vous m'étonnez !
Pour moi, une action mobilière est une action qui porte sur un droit personnel ou une obligation, autrement dit, qui implique deux personnes (moi et quelqu'un d'autre).
Alors qu'une action réelle n'implique qu'une seule personne (moi), parce que j'ai un droit direct sur une chose, ce qui ne nécessite pas de deuxième personne.
De manière générale, je ne comprends donc toujours pas comment le 2224 peut viser des actions réelles.
Et dans mon cas précis, mon action vise le syndicat des copropriétaires, qui a bien une personnalité. Donc date B quoi qu'il arrive.
Posté le Le 13/04/2025 à 22:51
Je reviens à la question : le point de départ d'une prescription quinquennale peut-il se situer *avant* que le titulaire acquiert son droit ?
Ma première réponse était erronée. Le point de départ d'une prescription quinquennale peut se situer *avant* que le titulaire acquiert son droit. C’est le cas des droits réels mais c’est aussi le cas des droits personnels acquis d’une autre personne, par exemple une créance qui peut être cédée. Une cession de droit n’interrompt pas la prescription du droit.
Donc non, ce n’est pas très simple et cela dépend de toutes sortes de cas d’espèce.
Mais, puisque vous avez décidé que le problème était clos, n’en parlons plus.
Posté le Le 14/04/2025 à 05:32
J'ai considéré le problème clos vu la constance de votre réponse sur la date B. Mais si vous revenez sur cett dernière, cela change tout..
Donc le point de départ de la prescription serait finalement la date A en cas d'action personnelle ?
Dans le cas d'une vente immobilière, y a-t-il donc transmission des droits de l'ancien propriétaire tels quels au nouveau (autrement dit, j'achète non seulement le bien, mais également l'inaction de l'ancien propriétaire), ou perte de tous les droits de l'ancien propriétaire, et création de droits nouveaux pour le nouveau propriétaire le jour de la vente, et pourquoi ?
Posté le Le 14/04/2025 à 08:10
Citation :
Soient X et Y deux personnes, A et B deux dates telles que B > A, et F un ensemble de faits.
A la date A, X a connaissance de F mais ne peut pas agir contre Y, car dépourvu de droit de le faire. A la date B, X acquiert le droit d'agir contre Y sur la base des faits F. La prescription extinctive quinquennale du droit de X d'agir contre Y court-elle à compter de A, de B, ou d'une autre date encore ?
Bonjour,
Vous avez bien de la chance que Nihilscio s'y retrouve dans votre exposé !
On croirait un problème de mathématique et non une question de droit...
__________________________
Superviseur
Posté le Le 14/04/2025 à 11:30
Citation :
C'est curieux de voir à parfois quel point les juristes détestent qu'on formalise les choses
.
Les juristes détestent qu’on formalise les choses comme les médecins détestent que leurs patients leur imposent d’emblée un diagnostic. Je dis cela sans prétendre que le droit soit aussi complexe que la médecine mais on peut tout de même, dans une certaine mesure, faire la comparaison. J’ai constaté que, presque toujours, lorsqu’une question de droit est posée en termes abstraits et généraux comme vous le faites, soit elle entraîne à de longs développements qui ne répondent pas au souci de celui qui pose la question, soit elle est tout simplement mal posée. J’en suis venu à répondre systématiquement : « Concrètement quel est votre problème ? ».
Vous posez une question théorique sur la prescription extinctive quinquennale. Vous aurez plus de chance d’obtenir une réponse complète sur un forum qui s’adresse aux étudiants en droit que sur celui-ci.
En fait, votre souci porte sur l’entretien de parties communes dans une copropriété. En la matière, les copropriétaires ont un droit imprescriptible. Donc inutile de se lancer dans des spéculations sur le délai de prescription et son point de départ.
Par ailleurs, avoir un droit est une chose, avoir la certitude que son droit sera satisfait en est une autre. Vous envisagez d’acheter un bien soumis au statut de la copropriété. Vous constatez des désordres sur les parties communes. La question pertinente est de savoir si vous avez une chance raisonnable d’obtenir que la copropriété mette fin aux désordres et à quel prix. La réponse n’est pas simple et dépend de différents paramètres, le premier étant le degré de gravité des désordres.
Posté le Le 14/04/2025 à 13:18
Ma première motivation en venant poser ma question ici était de comprendre pour quelles raisons je pourrais bien être prescrit.
Et en cherchant un peu plus, je me rends compte que j'avais livré toutes les données du problème, et que j'aurais presque pu y répondre moi-même si j'avais eu la curiosité de lire un tout petit peu plus bas le titre consacré à la prescription:
"Article 2234
La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. "
Le point de départ de la prescription est bien la date A, mais X est empêché d'agir par la loi (CPC 32, pour être précis) puisqu'il n'est pas encore titulaire du droit d'agir, droit qu'il n'aura acquis qu'à la date B. Donc les 5 ans de prescription dans le cas que j'ai décrit formellement débutent bien à la date A, mais sont décomptables à partir de la date B. Ceci vaut d'ailleurs pour n'importe quelle prescription, le principe étant toujours le même : on ne peut pas faire tourner le chronomètre contre celui qui ne peut pas agir ou n'a pas pu agir.
Ensuite, comme vous le soulignez, il y a la pertinence à agir contre un syndic qui ne fait rien - et des copropriétaires qui le savent et ne veulent pas payer. C'est un autre problème. Mais j'aimerais bien qu'on m'explique comment un syndicat qui sait qu'il ne fait rien depuis des années alors qu'il est tenu faire par un texte d'ordre public peut bien défendre sa cause et éviter une mise sous astreinte à faire des travaux qui, de surcroît, lui sont parfaitement connus.
