Droit administratif : question de procédure et compétence

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Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Le recours adressé à un juge matériellement incompétent (saisine d’une juridiction judiciaire au lieu d’une juridiction administrative) permet de conserver le délai de recours contentieux, mais à la condition que ce recours soit évidemment formé dans un délai de deux mois et que celui-ci soit dirigé contre la décision administrative.

Question : Lorsqu'une juridiction incompétente à été saisie pendant le délai de recours contentieux de deux mois, dans le cas d’une procédure où l’oralité des débats est la condition (conseil de prud’hommes, tribunal d’instance et TGI, par exemple), est-ce que la demande initiale, formée devant ladite juridiction incompétente, qui n'a pas visé tout d'abord l'annulation de la décision administrative délivrée par l'inspecteur du travail, doit-elle être déclarée obligatoirement à l’intérieur du délai de recours contentieux de deux mois ou bien celle-ci peut-elle être régularisée à tout moment de la procédure, soit jusqu’à la clôture de l’instruction, dans le cadre d’une procédure écrite, ou jusqu’à la fin des débats, dans le cadre d’une procédure orale, ceci pour pouvoir ensuite être recevable devant le tribunal administratif ?

Merci de me fournir la jurisprudence administrative (ou judiciaire) ou bien le texte légal correspondant à votre réponse.

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Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Cher monsieur,

Citation :
Lorsqu'une juridiction incompétente à été saisie pendant le délai de recours contentieux de deux mois, dans le cas d’une procédure où l’oralité des débats est la condition (conseil de prud’hommes, tribunal d’instance et TGI, par exemple), est-ce que la demande initiale, formée devant ladite juridiction incompétente, qui n'a pas visé tout d'abord l'annulation de la décision administrative délivrée par l'inspecteur du travail, doit-elle être déclarée obligatoirement à l’intérieur du délai de recours contentieux de deux mois ou bien celle-ci peut-elle être régularisée à tout moment de la procédure, soit jusqu’à la clôture de l’instruction, dans le cadre d’une procédure écrite, ou jusqu’à la fin des débats, dans le cadre d’une procédure orale, ceci pour pouvoir ensuite être recevable devant le tribunal administratif ?


Pour pouvoir interrompre le délai de recours contentieux, l'annulation de la décision administrative devait être visée dans le délai de deux mois.

En effet, de principe, le recours contentieux devant une juridiction incompétente pour en connaître sauvegarde le délai de recours contentieux (CE 25 mai 1928, Reynaud, Lebon 688, S. 1928. III. 81, note M. Hauriou ; 31 janv. 1958, Vally, Lebon 58, RPD adm. 1958. 3, concl. Tricot ; CE, ass., 13 mai 1960, Molina et Guidoux, Lebon 324 ; 14 oct. 1966, Épx Destieux, ibid., p. 545 ; 20 févr. 1968, req. no 69432, BCD 1968. 174), même s'il s'agit d'une juridiction étrangère (CE 31 janv. 1958, Vally, préc.).

Cependant, le délai n'est conservé que si sont cumulativement satisfaites les deux conditions suivantes :


-le recours devant la juridiction incompétente a eu le même objet que le recours devant la juridiction compétente dont il s'agit d'apprécier la recevabilité (CE 9 mai 1957, Dame Vve Paturel, Lebon 1014 ; 7 mai 1975, Codis, RD publ. 1975. 1440) ;


-le tribunal incompétent a été saisi avant l'expiration du délai applicable au recours devant le tribunal compétent (CE 13 avr. 1951, Préfet de police c/ Couquet, Lebon 187 ; CE, sect., 24 janv. 1958, Méallet, ibid., p. 43, D. 1958. 326, concl. M. Guionin ; 23 juill. 1976, Chivot, ibid., p. 381).

La date à retenir pour apprécier la recevabilité du recours est celle de son enregistrement au secrétariat ou au greffe de la juridiction incompétemment saisie (CE, sect., 21 juin 1974, Ben Ziane Ould Boualem, Lebon 357 ; CE, sect., 10 juill. 1987, Épx Roucaud, Lebon 256). Rappelons ici que depuis le décret no 72-143 du 22 février 1972, aucune question de saisine ne se pose à l'intérieur de la juridiction administrative : la saisine d'une juridiction incompétente vaut saisine de la juridiction compétente (CE, sect., 4 mars 1977, Rondeau, Lebon 126).


En conséquence, si la demande en nullité n'a pas été formée dans la requête d'assignation enregistrée dans le délai de deux mois, au greffe du Conseil des prud'hommes, alors la condition de délai et d'objet, conditions cumulatives ne sont pas remplies.


Très cordialement.

Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Je vous remercie de votre réponse circonstanciée.
En somme, j'ai bien saisi dans le délai de recours contentieux de deux mois le conseil de prud'hommes pour demander des indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur ce qui concerne la convention de rupture, mais la partie adverse argue qu'il s'agit de la compétence du tribunal administratif, puisqu'il y a une décision expresse de l'inspecteur du travail qui autorise la fin des relations contractuelles.
Dans l'hypothèse ou je dois me pourvoir devant la juridiction administrative, alors que je pense, comme vous, que la compétence est dévolue à la juridiction judiciaire qu'est le conseil de prud'hommes, je n'ai pas visé explicitement l'annulation de la décision administrative dans ce délai de deux mois de recours contentieux.
D'où ma question complémentaire, est-ce que ma demande d'annulation de la décision administrative explicite formée en bureau de jugement, pendant l'oralité des débats, au-delà du délai de recours contentieux de deux mois, est-elle recevable par la suite devant la juridiction administrative, bien que j'ai demandé, pendant ce délai de deux mois de recours contentieux, que soit reconnu le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans mentionner l'annulation de la décision administrative qui autorise la fin des relations contractuelles ?

Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Cher monsieur,
Citation :

En somme, j'ai bien saisi dans le délai de recours contentieux de deux mois le conseil de prud'hommes pour demander des indemnités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur ce qui concerne la convention de rupture, mais la partie adverse argue qu'il s'agit de la compétence du tribunal administratif, puisqu'il y a une décision expresse de l'inspecteur du travail qui autorise la fin des relations contractuelles.


Je rejoins votre argumentation.

La demande en dommages et intérêts contre votre employeur relève nécessairement de la compétence du CPH. Ce que vous attaquez, ce n'est pas "l'autorisation délivrée pour la rupture conventionnelle" mais bien "la rupture conventionnelle en tant que telle". Or, cette rupture conventionnelle relève de la compétence du CPH.

A l'inverse, le TA n'aurait aucune compétence pour apprécier la validité de la rupture conventionnelle.

Le recours devant le TA n'a que pour intérêt de contester l'opportunité de l'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail.

C'est bien le CPH qui était compétent. La saisine du TA n'est donc à mon sens nullement essentielle ici.


Citation :


Dans l'hypothèse ou je dois me pourvoir devant la juridiction administrative, alors que je pense, comme vous, que la compétence est dévolue à la juridiction judiciaire qu'est le conseil de prud'hommes, je n'ai pas visé explicitement l'annulation de la décision administrative dans ce délai de deux mois de recours contentieux.
D'où ma question complémentaire, est-ce que ma demande d'annulation de la décision administrative explicite formée en bureau de jugement, pendant l'oralité des débats, au-delà du délai de recours contentieux de deux mois, est-elle recevable par la suite devant la juridiction administrative, bien que j'ai demandé, pendant ce délai de deux mois de recours contentieux, que soit reconnu le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans mentionner l'annulation de la décision administrative qui autorise la fin des relations contractuelles ?


A mon sens, vous êtes prescrit pour aller devant le TA dès lors que vous n'avez pas fait valoir, dans le délai de deux mois, la demande d'annulation de la décision administrative. En effet, en ne le faisant pas, votre requête ne remplissait pas les conditions initiales de l'interruption de la prescription comme mentionner dans mon premier message.

Très cordialement.

Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
J'ai bien compris que la voie d'action (recours pour excès de pouvoir) m'était fermée, parce que le délai de recours est dépassé, car, je n'ai pas respecté une des doubles conditions de la saisine pendant le délai de recours contentieux de deux mois, telles que vous me l'avez expliquées.
Cependant, à ma connaissance, l'expiration du délai de recours contentieux ne laisse pas complètement le requérant forclos sans possibilité d'action.
1 - Ainsi, le requérant peut invoquer l'exception d'illégalité d'un acte réglementaire qu'il n'a pas contesté dans les délais à l'encontre d'une décision individuelle.
2 - Il peut également solliciter l'abrogation d'un règlement illégal en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Alitalia ;
- Il peut aussi solliciter l'abrogation d'un règlement illégal en raison d'un changement de circonstances en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Despujol (CE 10/01/1930).
A mon avis, ces actions précitées ne concerne pas mon cas d'espèce.
3 - Enfin, le requérant forclos au niveau du contentieux de l'annulation peut toujours présenter une requête indemnitaire de plein contentieux motivée par l'illégalité d'une décision individuelle lui faisant grief qui n'est pourtant plus contestable par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE 30/04/1976, requête n° 87973).
Est-ce que cette dernière possibilité est faisable dans mon cas particulier ?
Quelle est votre analyse sur ce sujet ? Qu'en pensez-vous ?


Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Cher monsieur,
Citation :

Enfin, le requérant forclos au niveau du contentieux de l'annulation peut toujours présenter une requête indemnitaire de plein contentieux motivée par l'illégalité d'une décision individuelle lui faisant grief qui n'est pourtant plus contestable par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE 30/04/1976, requête n° 87973).


Un recours plein contentieux n'est pas possible ici. Cela ne vise que l'hypothèse (rare) où le requérant a le choix: Le REP ou le plein contentieux.
L'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail est une décision individuelle, faisant grief, mais non susceptible d'indemnisation. Donc pas de recours plein contentieux possible.


Très cordialement.

Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Merci de toutes vos réponses qui sont complètes à mes questions.
C'est rare de trouver un site juridique payant en ligne sérieux.
Je ne manquerai pas de vous recommander et de faire appel à nouveau à vos services lorsque j'aurai des questions auxquelles je n'aurais pas trouvé de réponses.
Je vous prie de croire en l'expression de mes salutations distinguées.

Posté le Le 24/01/2014 à 05:25
Cher monsieur,

Je vous remercie pour vos propos et vous souhaite une très bonne continuation.

Très cordialement.

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