Bonjour,
Je me permets de vous apporter une réponse fondée juridiquement à votre situation, qui soulève une problématique classique mais désormais bien tranchée en droit du travail.
Vous êtes salarié itinérant, affecté à un secteur déterminé, avec un véhicule de service et sans autonomie dans la gestion de votre planning. Dans ce contexte, la jurisprudence récente considère que le temps de trajet entre votre domicile et votre premier client, puis entre votre dernier client et votre domicile, doit être reconnu comme du temps de travail effectif, dès lors que vous êtes à la disposition de votre employeur sans pouvoir vaquer à vos occupations personnelles, et que vous suivez un parcours imposé (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-21.924 ; Cass. soc., 1er mars 2023, n° 21-12.068).
Cette situation se distingue très clairement de celle dans laquelle un salarié itinérant disposerait d’une autonomie dans la fixation de ses rendez-vous ou pourrait utiliser librement son temps de trajet pour des activités personnelles. Dans cette hypothèse, les trajets ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif, mais entrent alors dans le champ de l’article L. 3121-4 du Code du travail, qui impose une compensation (repos ou indemnisation) si le trajet dépasse la durée habituelle domicile-travail.
Dans votre cas, les critères retenus par la jurisprudence pour reconnaître le temps de travail effectif sont tous réunis :
Vous ne choisissez ni les clients ni les horaires ;
Vous transportez du matériel professionnel dans un véhicule de service ;
Vous êtes géolocalisé et joignable via un téléphone professionnel ;
Votre journée commence dès que vous prenez en charge le véhicule pour partir chez le premier client.
Ces éléments plaident très fortement pour la qualification de « temps de travail effectif », ce qui implique non seulement la rémunération de ces temps de trajet, mais également leur prise en compte dans le calcul de la durée hebdomadaire du travail, avec déclenchement des heures supplémentaires si le seuil légal est dépassé (35 h par semaine pour un temps plein).
Par ailleurs, l’argument avancé par votre employeur selon lequel votre rattachement administratif à une agence éloignée (alors que vous intervenez sur un secteur proche de chez vous) justifierait l’absence de compensation ou servirait de référence pour apprécier le temps normal de trajet domicile-travail, n’a pas de valeur juridique, et a été rejeté par la Cour de cassation (Cass. soc., 24 sept. 2014, n° 12-28.664).
En somme, votre employeur ne peut ignorer cette réalité ni refuser de vous rémunérer pour ces temps de trajet. À défaut, vous pouvez :
adresser une réclamation écrite, argumentée, à votre employeur ;
en cas de refus ou d’absence de réponse, saisir les représentants du personnel et l'inspection du travail.
Je vous invite à consulter également la publication officielle de la Cour de cassation à ce sujet, très claire et pédagogique :
https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2022/11/23/salaries-itinerants-et-temps-de-travail-effectif
Bien à vous,